La culture amazighe et la culture kabyle viennent de perdre un homme immense. Mardi dernier, dans une clinique parisienne, s'est éteint, à la suite d'une longue maladie, Mohya Abdallah, plus connu sous le nom de Muhend U Yahia. Poète et dramaturge de talent, Mohya a traduit des oeuvres théâtrales universitaires et les a introduites dans la société kabyle. Plus de quarante de ses pièces sont désormais, dans leur traduction, du domaine amazigh. Grâce à Mohya, un nouveau mouvement théâtral en kabyle a vu le jour au début des années 1980. Plusieurs troupes ont repris les adaptations de Mohya et les ont mises en scène et interprétées. La majeure partie des pièces traduites par Mohya ou adaptées par lui ont été présentées lors de festivals de théâtre amazigh, organisés en Kabylie. Beaucoup d'oeuvres de Mohya ne sont pas connues. Seules quelques oeuvres éditées sous forme de livres et/ou de cassettes audio et vidéo sont connues du public. Mohya a traduit en kabyle des oeuvres de poètes, comme celles de l'opposant turc, Nazim Hikmet, ou encore Boris Vian. Il a de même composé et écrit des poèmes, dont le plus célèbre Ah ! Ya ddin quessam !, en hommage aux détenus du Printemps berbère d'avril 1980. Après des études au lycée de Tizi Ouzou en 1967, Mohya entame des études universitaires en mathématiques à Paris dans les années 70. C'est là qu'il côtoie l'académie berbère. Puis il rejoint le «groupe d'études berbères» de l'université de Vincennes où il était l'une des chevilles ouvrières des publications éditées par le groupe, comme le bulletin d'études berbères et la revue Tisuraf. Un hommage lui a été rendu, hier, à la clinique Jeanne Garnier de Paris. Sa mise en terre et prévue en Kabylie. Le porte-parole du MAK, Ferhat M'henni, un homme engagé est un chanteur aux mots d'airain qui traversent les murs de plomb, a rendu public un communiqué dans lequel il rend un vibrant hommage à l'immense homme que fut Muhand U Yahia. Ferhat s'est écrié si justement à propos de Mohya: «...Il continuera de nous éclairer par les multiples lumières dont il avait tissé les mots de ses poèmes, le sens de ses phrases et le lyrisme de ses pièces de théâtre... Il était un géant, il est désormais un soleil...!» Ferhat souligne «la modestie légendaire et la réserve naturelle qui fleuraient bon l'intelligence de l'immense homme de culture...», le monde amazigh en général et la Kabylie en particulier sauront toujours honorer la mémoire de l'homme et la richesse monumentale de son oeuvre immortelle. «Le MAK appelle la population à se déplacer en masse pour rendre à Mohya un vibrant hommage en l'accompagnant à sa dernière demeure...» Il semble que les mots soient pauvres pour décrire l'immense peine de ceux-là qui, grâce à la veuve de Muhand U Yahia, ont pu s'approprier la culture universelle. Homme juste, sage et effacé, Mohya devient l'une des étoiles qui pareront le ciel de la culture amazighe.