Une étude révèle que de 1987 à 2012, on a enregistré 92 cas d'immolation, en majorité des jeunes, alors que pour la seule année 2011, "34 personnes sont décédées par immolation en Algérie". Le CHU Nedir-Mohamed de Tizi Ouzou a abrité jeudi dernier la 14e Journée nationale de psychiatrie sous le thème "Violence sociale et toxicomanie". Les nombreux spécialistes en psychiatrie et en médecine légale, qui ont pris part aux travaux de ce colloque présidé par le Pr Abbès Ziri, DG du CHU de Tizi Ouzou, et consacré à un sujet d'actualité aussi délicat, ont traité de la violence sociale dans toutes ses formes. "La violence comme fatalité de l'histoire humaine ou fléau contemporain" était le thème d'une communication présentée par le Pr Tabti, chef de service de psychiatrie à l'hôpital de Chéraga. "Il y a une expression de la violence en Algérie qui relève du vandalisme. Cela est devenu pulsionnel. Plus grave encore, on assiste à un phénomène de banalisation de la violence. Voir des routes coupées ou des personnes blessées dans nos stades est devenu un phénomène normal. On devient de ce fait un peu complice de cette violence", dira le Pr Tabti. Et de relever la nécessité d'agir contre la violence par la prévention, en commençant par la prise en charge du mal dès l'enfance et l'adolescence car, a-t-il appuyé, le pic de la violence se situe vers l'âge de 16 à 24 ans. "Il ne faut pas oublier que nous sommes des humains et non des machines. Nous sommes conditionnés par un comportement psychologique qui réagit à toute action, toute provocation. Très souvent, la réaction dans la violence est démesurée, ce qui explique des dérapages fréquents", a-t-il indiqué. L'autre sujet, aussi important, évoqué durant cette rencontre est le phénomène de l'immolation par le feu, thème d'une communication présentée par le Dr Zeggane de l'EHS Fernane-Hanafi d'Oued Aïssi, intitulée "Immolation, violence auto-infligée en réponse à une violence subite". Tout en soulignant que peu d'études sur le phénomène ont été réalisées sur le plan local, le Dr Zeggane indiquera que "ces dernières années, l'immolation est devenue un moyen de revendication sociale et un geste de désespoir. Elle est une forme de violence dirigée contre soi pour dénoncer des conditions de vie faites de violences insurmontables. Ce n'est pas un phénomène propre à des individus ou à un groupe social spécifique. En Algérie, on a vu des individus désespérés se transformer en torches humaines pour crier leur désarroi dans une société qui semble faire la sourde oreille à leur souffrance. Après les harragas, voilà donc venu le cycle des grands brûlés de la vie. On est passé de l'eau au feu". Il fournira à ce sujet les quelques rares chiffres illustrant l'ampleur du phénomène, tirés d'une étude menée au centre des grands brûlés à Douéra. L'étude révèle que de 1987 à 2012, le centre a enregistré 92 cas d'immolation, en majorité des jeunes, représentant 60% des cas d'immolation, tout en précisant qu'"en 2011, 34 personnes sont décédées par immolation en Algérie". Le Dr Zeggane révélera également l'apparition d'un autre phénomène violent, qui consiste en des tentatives d'immolation collectives souvent menées par des groupes de chômeurs ou des travailleurs contestant leur précarité socioprofessionnelle. "C'est souvent une manière d'interpeler les pouvoirs publics sur leur situation précaire", a-t-il dit. Enfin, il est à conclure qu'au lieu d'apporter des solutions concrètes à ce phénomène de société qu'est l'immolation par le feu, la législation algérienne répond plutôt par un traitement répressif aux victimes et aux désespérés par de graves peines d'emprisonnement de prison ferme à l'encontre des individus auteurs d'immolation, et ce, quand ils ont la... chance de sortir indemnes de leur acte tragique. K. T.