Comme éprouvé par les contrecoups de la salve de réactions et de commentaires provoqués par sa mise en garde, dans son message lu à Ghardaïa, contre l'opposition et la presse, le président Bouteflika est resté, s'agissant du rendez-vous constantinois, sur une didactique soft... la moins engageante et la moins expressive politiquement. Les annonces présidentielles, attendues sur nombre de questions, n'auront pas été finalement pour cette escale constantinoise. Le message du président Bouteflika, lu en son nom par son conseiller Mohamed Benamar Zerhouni, jeudi, à l'occasion de l'ouverture de la manifestation "Constantine, capitale de la culture arabe" coïncidant avec la célébration de la Journée du savoir "Yaoum el-îlm", a été, en effet, totalement déconnecté des actualités politique et économique brûlantes. Une déconnexion vraisemblablement délibérée, puisque, à se fier aux chuchotements qui échappent des alcôves du sérail, les perspectives politiques notamment, ne se conçoivent plus aisément et, donc, manquent forcément de s'énoncer clairement. Ainsi en est-il de la révision de la Constitution, promise officiellement pour l'année en cours, mais dont l'opinion ignore toujours le contenu ainsi que le mode et l'échéance de son intervention. Les chefs des partis alliés du président de la République et les responsables institutionnels qui s'y sont exprimés, jusque-là, comme autant de porte-parole officieux du pouvoir n'ont fait, en définitive, qu'ajouter à la cacophonie ambiante. Pour ne citer que lui, le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, a, entre mercredi soir et vendredi matin, soutenu une thèse et son contraire. Mercredi, il affirmait que "Bouteflika dévoilera sous peu la copie finale" de la Constitution. Vendredi, il claironne que "le processus ayant trait à la révision constitutionnelle a pris du temps et prendra encore, peut-être, un temps supplémentaire". C'est à croire que tout ce beau monde qui s'exprime sur le projet de la révision constitutionnelle s'amuse, en vérité, à faire dans la devinette. Mais toute la cacophonie que cela a immanquablement induit ne semble inspirer au président Bouteflika une autre attitude que le silence autour de la principale réforme politique qu'il a promis de réaliser. Le lancement de "Constantine, capitale de la culture arabe" et de la célébration de "Yaoum el-îlm" lui offrait pourtant une belle opportunité de s'y exprimer, d'autant que les deux événements interviennent dans la proximité immédiate, la veille de la date anniversaire de la première année de sa réélection pour un quatrième mandat d'affilée. Pas uniquement sur la révision de la Constitution donc, mais aussi sur d'autres questions qui meublent l'actualité. La formule dans le message présidentiel, déclamé jeudi par Zerhouni à Constantine, a été taillée de sorte à ne consigner que ce qui a trait intimement à la circonstance. Le message a célébré, en fait, le rayonnement culturel, à travers les âges, de Constantine qui fut, entre autres, capitale numide. Le président Bouteflika s'est rarement rendu à un tel exercice, consistant à circonscrire de la sorte l'objet de son discours. Le 19 mars dernier, date anniversaire de la conclusion des accords d'Evian et de la proclamation du cessez-le-feu, dans un message, lu par le même Zerhouni, le chef de l'Etat avait émis, on se rappelle, une sévère mise en garde à l'encontre de l'opposition et de la presse. "De pseudo-hommes politiques, soutenus par une presse qui n'a aucun souci de son éthique professionnelle, s'évertuent, matin et soir, à effrayer et démoraliser ce peuple, à saper sa confiance en le présent et l'avenir", avait-il écrit. N'ayant pas figuré dans la version arabe du discours, le bout de phrase relatif à la presse a semé le doute chez l'opposition quant à l'auteur véritable du laïus. La presse en a fait ses choux gras. Officiellement, on ne s'y est toujours pas exprimé. L'interrogation autour de la capacité du chef de l'Etat à assumer ses charges présidentielles est allée grossissant. C'est, peut-être, pour ne pas prolonger davantage les commentaires et les supputations que, cette fois, la prudence a recommandé de se limiter à un discours soft. Quitte à se risquer, par ailleurs, à confirmer tout ce qui se dit à propos de l'extinction du tableau de bord politique du pouvoir. D'autant que, le 30 décembre dernier, le président Bouteflika évoquait la révision de la Constitution au courant de l'année avec, en sus, une prolongation des consultations avec la classe politique. Une annonce suivie de quatre mois de silence. S .A. I.