Décision politique ou simple allègement du plan de charges ? Les nouvelles dispositions relatives à la distribution des logements sociaux ont suscité différentes réactions de la part des élus. De prime abord, les maires n'ont pu cacher leur déception, réaction épidermique à une ingérence qui pointe son nez dans les pouvoirs qui leur sont conférés. D'aucuns considèrent cela comme un acte visant à faire diminuer la fourchette de leurs prérogatives. Une préoccupation, somme toute, légitime quand on sait que le logement a toujours constitué un atout lors des campagnes électorales. Cependant, il faut reconnaître que gérer ce dossier n'est pas de tout repos. Nombreux sont les cas où des communes ont vécu des évènements tragiques dont l'origine est liée à la distribution des logements. Un dossier délicat pour les circonscriptions et daïras. “Si les instances pensent que cette décision vient à point mettre un terme au manque de maîtrise du dossier logement par les assemblées élues, je refuse personnellement de m'inscrire à cette idée. Ces dernières ont, du moins pour la plupart, montré jusque-là toute la rigueur exigée par la gestion de ce que d'aucuns qualifient de cadeau empoisonné”, confie le maire de Sidi-M'hamed, Mokhtar Bourouina. Son collègue de l'APC d'Alger-centre abonde dans le même sens pour expliquer que ça ne sera pas facile aux daïras et circonscriptions administratives de gérer un aussi épineux dossier. “Il est vrai que certaines communes ont trouvé d'énormes difficultés pour mener à bien une opération de distribution de logements. En revanche, beaucoup d'entre elles ont réussi sans la moindre difficulté à faire preuve d'un sens aigu de sagesse”, dira Tayeb Zitouni. Peut-on parler alors de décision politique sachant que la majorité des assemblées sont d'obédience FLN ? Sans le crier ouvertement, bon nombre d'élus pensent tout bas que cette hypothèse n'est pas à exclure bien qu'aucune preuve n'ait pu être constatée. “S'il n'y avait pas du vrai dans cette variante, comment peut-on expliquer que le dossier ait pu être transféré vers la daïra ou la circonscription administrative qui n'ont pas de lien direct avec les citoyens et la réalité de la situation de chaque nécessiteux ?” fera remarquer un élu. Revoir la politique du logement En revanche, là où les maires semblent être d'accord, c'est la révision de la politique du logement social. “Quand l'offre est loin de répondre à la demande, il n'y a même pas lieu de discuter de la question. Je trouve que les nouvelles mesures sont venues pour alléger les communes du poids insupportable qui pesait sur elles. La solution me paraît dans l'amélioration des conditions d'accès au logement avec la formule participative”, explique le P/APC de Bordj El-Bahri. Drôle de coïncidence, ce dernier nous a reçus au moment où un sit-in était organisé devant la mairie par des citoyens venus réclamer chacun son lot de terrain. “Comme vous le constatez, nous ne gérons que les problèmes. La question du logement est insoluble tant que les pouvoirs publics ne privilégient pas d'autres créneaux où la participation des citoyens dans une certaine limite serait envisagée”, dira-t-il. Pour le maire d'Alger-centre, il ne peut y avoir de stabilité qu'à la seule condition que la politique du logement soit révisée en prenant en considération les critères. “La réalité est bien là pour démontrer que le logement social est une option qui tend à disparaître avec le temps. Aujourd'hui, comme on peut le constater partout dans le monde, seule la formule participative semble connaître un succès. La subvention de l'Etat étant ce qu'elle est, elle ne peut à elle seule suffire à faire face au dossier, sachant que le déficit en la matière se chiffre à plus d'un million de logements. L'un des exemples qui mérite d'être cité est celui préconisé par la formule location-vente de l'AADL qui, dès son lancement, a connu un engouement dépassant toutes les prévisions”, explique-t-il. Pour M. Ladjal, vice-président de l'APC de Kouba, cette mesure n'est pas la première du genre. “Puisque le dossier logement était avant son transfert au niveau de la municipalité, géré par l'Opgi. Son but était de mettre un terme à la tension sociale générée par la crise du logement. Avec le temps, force est de constater que la solution n'est pas dans le fait de transférer ce volet à tel ou tel autre organisme”, commente-t-il. Un avis partagé par le maire de Birkhadem, M. Berbiche : “Si la décision de transférer les prérogatives d'attribution du logement social ne semble pas plaire aux élus, une question s'impose, celle de savoir ce que fera la daïra face à un problème épineux, d'autant plus que le dossier sera toujours traité par une commission.” Désormais, la commission ad hoc sera présidée par le wali délégué et des représentants de l'administration. Cette dernière qui sera chargée de traiter les demandes fera pratiquement la même enquête que la commission que présidait auparavant le chef de l'exécutif communal et qui, il faut le rappeler, comprenait trois élus, les représentants de l'organisation des moudjahidine, des enfants de chouhada, de l'UGTA ainsi que les comités de quartier. Les raisons avancées D'aucuns disent que les mécontentements enregistrés un peu partout dans le pays à chaque fois que des listes sont affichées au niveau des APC est la raison qui a motivé cette décision. Une explication qui tient la route si l'on se réfère en effet au nombre de frondes enregistrées. Dans plusieurs cas, la force publique a été utilisée, bien que ce recours se soit avéré quelquefois inefficace pour ne pas dire à l'origine d'affrontements aux conséquences regrettables. Baba Ali, Tessala El-Merdja, Hussein Dey, Aïn Benian, Chéraga sont autant d'exemples dans la capitale témoignant de la gestion très difficile du dossier logement social. Peut-on espérer qu'avec les dispositions du nouveau décret exécutif, la wilaya déléguée fasse mieux ? Selon certains élus, rien n'est sûr. “Nous sommes plus proches des citoyens et nous connaissons mieux la réalité du terrain. Notre présence dans la commission est une nécessité pour l'administration qui aura à gérer les logements sociaux. Toutefois, nous n'avons pas la prétention de négocier, encore moins de remettre en cause les décisions du gouvernement”, explique M. Zitouni. Pour ce maire, la politique d'assistanat doit disparaître. C'est là une idée qui résume la volonté du secteur de l'habitat de mettre en veilleuse le chapitre du logement social. C'est justement, eu égard aux lenteurs qui ont toujours prévalu dans la gestion de ce dossier, que les nouvelles dispositions seront appliquées. Le chiffre effarant de 55 000 logements gelés, alors qu'autant de familles attendent le geste salutaire, en est une preuve incontestable. Tout récemment, le directeur du logement de la wilaya d'Alger, Mohamed Smaïl, a annoncé que 2000 logements en souffrance depuis 2001 seraient sur le point d'être distribués. Une bonne nouvelle certes, mais peu réjouissante sur le terrain quand on sait qu'un bon nombre de communes concernées sont toujours en butte au fameux problème des listes des bénéficiaires. Bonnes ou mauvaises, ces nouvelles dispositions sont perçues dans l'indifférence totale par les demandeurs de logements, à l'exemple de ce père de famille rencontré devant le siège de la commune de Chéraga, qui déclare sans ambages : “qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse.” A. F.