En ces temps de crise, la question qui se pose est de savoir si la tirelire du pays est capable de soutenir, dans les mêmes proportions, le dispositif d'aide à l'insertion des jeunes primo-demandeurs d'emploi, le Daip, et de financer les 60 000 nouvelles entreprises prévues dans le cadre de l'Ansej et les 30 000 autres prévues dans le cadre de celui de la Cnac. Bien que les pouvoirs publics recourent, pour le moment, à un discours rassurant, il n'est pas certain que ces dispositifs résisteront à l'érosion des capacités de financement de l'Etat-providence. Les Algériens sont habitués à ce genre d'optimisme de leurs gouvernants qui se transforme, à court terme, en désenchantement. Si pour le directeur général de l'Ansej, Mourad Zemali, qui s'exprimait en début d'année sur les ondes de nos confrères de la Chaîne III, aucune instruction allant dans le sens des mesures d'austérité touchant le dispositif de l'emploi de jeunes en Algérie, les observateurs sont unanimes pour affirmer qu'avec l'installation dans la durée de la baisse des prix du brut, c'est une question de priorité et de hiérarchisation. De jour en jour, les ressources financières du pays s'amenuisent, des coupes budgétaires, voire des renoncements à certaines politiques, risquent de s'imposer au gouvernement. Si la contrainte liée à la stabilité sociale et politique plaide pour le maintien des dispositifs d'aide à l'emploi des jeunes jusqu'à une certaine limite, le pragmatisme plaide, lui, pour des corrections qui s'imposent, d'ores et déjà, et dont certaines sont palpables depuis une année. Pour le Daip, ce dispositif orienté vers les jeunes chômeurs primo-demandeurs d'emploi issus des universités, ainsi que des instituts et des centres de formation, les postes ouverts dans l'administration et dans le secteur économique publiques se font de plus en plus rares. Pour les dispositifs Ansej et Cnac, un retour au respect de l'orthodoxie financière dans la gestion des crédits et autres bonifications et exonérations est inévitable avec la question sensible du recouvrement par les banques des créances douteuses. Cela se traduira par au moins un recul du nombre des crédits contre plus de recouvrements permettant un meilleur refinancement des différents fonds. Les observateurs s'attendent, aussi, à plus de rigueur dans l'étude des dossiers, dans la vérification de l'installation des promoteurs et dans la réception-conformité des équipements. À ce propos, le gouvernement sera attendu sur le terrain glissant de la gestion des dossiers de trois catégories de bénéficiaires des aides offertes par l'Etat dans le cadre des dispositifs Ansej et Cnac. Les mauvais payeurs qui se sont volatilisés avec l'argent des prêts, bénéficiant de la complicité de leurs fournisseurs, les promoteurs qui refusent d'honorer leurs dettes malgré la réalisation de leurs projets et, enfin, les investisseurs en proie à de mauvais résultats d'exploitation hypothéquant leurs capacités de paiement des dettes. Le ton a été donné fin 2014 début 2015 avec, pour la première fois, la reconnaissance officielle des promoteurs mauvais payeurs et d'autres en faillite, et estimés à ce jour, respectivement, à 5 000 et 7 000 cas. Pour rappel, créé en 1997, le dispositif Ansej a financé, à ce jour, 333 000 entreprises au profit de jeunes au chômage, permettant de créer 830 000 postes d'emploi. Le dispositif Cnac, lui, créé en 2003 pour venir en aide aux anciens salariés et chômeurs âgés entre 30 et 50 ans, a réalisé, depuis cette date, le tiers des objectifs assignés à l'ensemble des dispositifs. Avec le Daip, ces deux dispositifs ont été initiés pour faire face à au moins trois contraintes : l'incapacité du tissu économique national de créer des emplois pour les jeunes, la nécessité de créer des milliers de TPE capables de constituer le futur noyau de la PME-PMI algérienne remplaçant les défaillantes et budgétivores entreprises d'Etat, ainsi que les sociétés archaïques privées familiales. Enfin, l'urgence de soustraire la jeunesse algérienne aux sirènes défaitistes et pessimistes à même de les plonger dans les bras des hydres intégristes. Ainsi, de par la spécificité de la conjoncture politique et du contexte économique, les dispositifs d'aide à l'emploi et à l'entrepreneuriat des jeunes remplissent une triple mission économique, sociale et de sécurité nationale. En effet, la croissance de l'économie algérienne, basée à 98% sur la rente, ne s'est jamais traduite par la création de l'emploi. Tout se fait, essentiellement, en dehors de l'entreprise. Ce sont les méga-investissements publics, dits structurants, et les aides sur fonds publics aux promoteurs qui remplacent l'entreprise. En outre, sans emploi, confrontée à des lendemains incertains et sans motivation pour construire son avenir, la jeunesse algérienne a été un vivier de recrutement pour des groupes armés islamiques en quête de chair à canon. M. K.