Trois ans après le drame qui a sorti de l'anonymat le bidonville d'El-Haïcha à Hassi Messaoud, les auteurs de l'expédition punitive sanglante contre les occupantes, des employées dans des firmes pétrolières de cette favela, sont toujours en liberté. Quatre des agresseurs, uniquement, se sont présentés mercredi dernier devant le juge du tribunal de Biskra où s'est déroulé le procès en appel. Du côté des 39 victimes, trois seulement sont venues à l'audience. Désespérées par l'aboutissement de la procédure, les autres ont jeté l'éponge. Sans doute, la complaisance des autorités publiques et de l'appareil judiciaire a eu raison de leur détermination à obtenir gain de cause. C'est afin de briser le mur de l'isolement et sensibiliser l'opinion publique à leur sort, qu'une douzaine d'associations féminines et des moudjahidate sont montées au créneau. Dans un communiqué commun rendu public hier, elles réclament que justice soit faite dans l'affaire de Hassi Messaoud. La déclaration est signée par l'Association des femmes pour la citoyenneté (Afepec), l'Association pour l'émancipation des femmes (AEF), l'association de défense et de promotion des droits des femmes (ADPDF), Bnet Fatma N'soumer, la commission des femmes travailleuses de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Rachda, Rafd, le réseau Wassila, SOS femmes en détresse, l'association Vie, ainsi qu'un groupe d'anciennes maquisardes et des militantes du Mouvement démocratique et social (MDS). Selon les rédactrices, “nulle violence ne peut rester impunie, ni se justifier”. À l'époque des faits, le statut supposé des victimes avait été mis en avant pour banaliser les atrocités qu'elles ont subies. Désignées comme étant des prostituées qui attentaient à la moralité du voisinage, elles n'ont bénéficié d'aucune compassion. En revanche, leurs bourreaux, après avoir été élevés au rang de gardiens des mœurs, se sont réfugiés derrière les notabilités locales. Leur crime est pourtant grave. Après s'être livrés aux pires sévices sur leurs victimes et les avoir violées, ils ont décidé de les enterrer vivantes sous le sable. Arrivés tardivement, les services de sécurité ont, certes, pris le soin de transférer les femmes dans un lieu sûr, une auberge des jeunes au centre de la localité, mais ils se sont gardés d'opérer de vastes interpellations. Pis, les rares individus arrêtés et traduits devant le tribunal ont bénéficié de l'indulgence du juge et ont écopé de peines avec sursis. “C'est ce laxisme qui est à l'origine de l'impunité de toutes les agressions passées et celles à venir si l'Etat n'y met pas un terme”, dénoncent les militantes des droits de la femme dans leur communiqué. Les précédents sont légion. D'autres villes à l'instar de Ouargla, Remchi, Tébessa ont connu des drames similaires sans susciter le moindre émoi des pouvoirs publics. En faisant le rappel de ces drames, les différentes associations lancent un véritable SOS. L'impunité favorise l'intolérance. Elle l'institutionnalise presque. Dans l'affaire de Hassi Messaoud, les associations constatent que les pressions et les menaces exercées sur les victimes, en fait, le climat de terreur instauré dans la ville et qui a poussé nombre des femmes à fuir, ont favorisé l'oubli. Versant dans l'autocritique, les rédactrices du communiqué reconnaissent que leur investissement en faveur des suppliciées d'El-Haïcha a souffert d'inconstance en raison, disent-elles, du manque d'information. Leurs griefs ciblent également les partis politiques qui, d'après elles, “ne se sentent pas concernés par le droit constitutionnel de tout citoyen à la protection de l'Etat contre toutes les formes de violence, et particulièrement face à la violence organisée”. Dans un ultime appel, les 12 associations exhortent la société civile à se mobiliser et les autorités à agir. Lors de son intervention, dimanche dernier, au siège de l'Assemblée populaire nationale à l'occasion de la célébration de la signature par l'Algérie de la convention internationale de la lutte contre les violences à l'égard des femmes, la porte-parole du parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, a demandé au ministère de la famille de se constituer partie civile. De son côté, la sénatrice et ancienne moudjahida, Zohra Drif, a rappelé que la justice a le devoir de rétablir les victimes dans leurs droits. S. L.