Au moment de sa bravade, Saâdani était assuré de ne pas subir les ricochets du DRS via quelques formations politiques logées, elles aussi, dans la périphérie du pouvoir. Au fil du temps, il devenait quasi impératif de soumettre le secrétaire général du FLN à la rivalité d'un homme qui sait, lui aussi, aller au charbon. Mercredi dernier, Ahmed Ouyahia qui venait tout juste d'être fait secrétaire général par intérim du Rassemblement national démocratique (RND), décline son agenda politique, en proposant un ménage partisan à quatre (RND, FLN, MPA et TAJ) pour la relance de l'alliance présidentielle. Trois jours plus tard, le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, tout ragaillardi par la réussite du Xe congrès de son parti et l'appui et la considération que lui ont témoignés, tour à tour, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et le chef d'état-major de l'armée, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, exprime un refus poli mais ferme, dévoilant, du coup, la démarche à laquelle il entend se rendre pour sa part. Le désintérêt que l'homme fort du FLN a affiché à l'endroit de l'offre du revenant patron du RND n'est pas l'expression saillante d'une rivalité entre deux hommes qui, au demeurant, ne s'apprécient guère. Il ne se peut à ce niveau de la responsabilité politique. Le refus d'Amar Saâdani d'enfourcher la perspective qu'Ahmed Ouyahia a proposée donne à supposer que deux feuilles de route politiques sont en concurrence au sommet de l'Etat, voire l'existence de deux clans qui ferraillent à peser sur la décision lorsqu'arrivera le moment d'acter la succession à Bouteflika. Ahmed Ouyahia, dont on saisit un peu mieux le pourquoi de son rappel à la tête du parti, a mis en avant l'idée d'une alliance quadripartie horizontale, dans laquelle son parti est assuré d'avoir une certaine autorité grâce notamment au soutien, qui a été d'ailleurs prompt, du MPA et de TAJ. L'idée, qui pouvait paraître généreuse, a manqué d'emballer le responsable du FLN qui semble y avoir deviné une ruse cachée. Le secrétaire général du FLN a fait savoir qu'il travaille, lui, à un front le plus large possible et dans lequel son parti aura le rôle non négociable de locomotive. Une sorte de constellation, donc, qui accrochera y compris les organisations de la société civile lesquelles évolueront en orbite autour d'un astre central qui serait le FLN. "Le FLN appelle à la constitution d'un front national élargi à tous les partis et à toutes les organisations de la société civile ayant soutenu le président de la République pour son quatrième mandat", a affirmé, samedi, Amar Saâdani, après avoir jugé "prématurée" l'offre d'Ouyahia. Amar Saâdani a dévoilé par son propos ce qui s'apparente à un projet de reconstruction d'un parti-Etat, à l'image de ce que fut le FLN parti unique. D'ailleurs, il n'est pas superflu de supposer que la promotion de Saâdani en leader du FLN, suite au coup de force qui coûta son poste à Belkhadem en 2013, poursuivait cet objectif. Faut-il d'ailleurs rappeler que dès sa prise de fonction à la tête du parti, Amar Saâdani, comme instruit prioritairement de cette mission, a ouvert le front avec le département du renseignement et de la sécurité (DRS) qu'il invita, en des termes crus, on se le rappelle, à ne plus s'immiscer dans les affaires politiques ? Au moment de sa bravade, Saâdani était assuré de ne pas subir les ricochets du DRS via quelques formations politiques logées, elles aussi, dans la périphérie du pouvoir. Abdelkader Bensalah, alors secrétaire général du RND, ne répond pas du profil de quelqu'un qui tiendrait tête à un Saâdani par trop fonceur doublé d'un polémiste éprouvé. Au fil du temps, il devenait quasi impératif de soumettre le secrétaire général du FLN à la rivalité d'un homme qui sait lui aussi aller au charbon. Cet homme semble être Ahmed Ouyahia qui, sitôt remis en selle, entreprend de gêner les plans suffisamment avancés de Saâdani. Et il a réussi d'une certaine façon, puisque le ralliement à sa cause des deux partis que sont le MPA et le TAJ réduit forcément le cercle des éventuels adeptes du "front national" auquel travaille le patron du FLN qui a vite fait de savoir qu'il ne se laissera pas doubler... S.A.I.