Le FLN est dans l'impasse. C'est, du moins, ce qu'en donne la bataille qui oppose non plus redresseurs et légalistes mais des groupes au sein même du camp qui a effacé la parenthèse Benflis. Belkhadem, à qui Bouteflika a confié la tâche de rebâtir le Fln, promet de tenir le congrès du plus vieux parti début 2005… Belkhadem, qui a peiné pour trouver un terrain d'entente avec le camp Abada, n'est pas au bout de ses peines. À la cohue au portillon pour figurer dans la nouvelle direction du Fln, il fait face à une véritable insurrection de la part de ceux qui l'ont aidé depuis qu'ils voulaient, ensemble, empêcher Benflis de s'opposer, sous la casquette du Fln, au second mandat de Bouteflika. C'est la foire d'empoigne pour préparer le congrès. Tou a perdu la bataille lors du denier comité central du parti mais pas la guerre. Il n'en démord pas : pas question de s'accommoder des ex-soutiens de Benflis et, du coup, ce sont tous les apparatchiks qui devraient être mis sur la touche. Des personnalités autoproclamées chefs de file de courants de pensée dans le Fln se sont, par ailleurs, rebiffées. Alors qu'ils avaient refait surface après la débâcle de Benflis, pour, avouaient-ils, redonner son lustre au parti. Bouhara, Mehri et bien d'autres avaient mis en garde contre l'éparpillement et les divisions, certains continuant même à confondre parti, Etat et nation ! Pour la majorité, il s'agit de mettre le Fln derrière Bouteflika. L'un d'entre eux a même préconisé de lui confier la présidence. Les légalistes, regroupés derrière Abada, eux, se sont fondus avec Belkhadem dans le moule qui doit rebâtir la charpente du parti dont, avait-on conjecturé, Bouteflika a grandement besoin pour mener son second mandat et dont la déconcertante victoire ne doit pas cacher la complexité et les difficultés. Les règlements de compte, on les attendait au congrès où, jusqu'ici, les jeux de coulisses se terminaient en happy end et la roue continuait à tourner. Le Fln, jusque-là, n'a été qu'une histoire de remaniement, selon un processus inchangé depuis 42 années. Colonne vertébrale d'un système qui a toujours prévalu, le plus vieux parti s'est toujours adossé au pouvoir qu'il justifie et qui, de son côté, l'adoubait. Les efforts de l'en extirper ont été vains. Après Mehri en 1992, Benflis subit la même déconvenue en 2004. Le Fln n'a pas été programmé pour jouer les troublions dans la cour du système. Après avoir constitué un vivier pour le renouvellement des attelages du pouvoir, le parti historique s'est satisfait d'en être le tambour et la caisse de résonance. Les crises qu'il a traversées n'ont jamais été l'expression de revendications militantes mais de luttes de clans au sein du pouvoir. Le cycle Benflis soldé, le parti retrouve ses couleurs, même si elles sont ternies. À l'APN, plus de conjurations ont juré les députés FLN, et son responsable Saïdani a même remercié, lors de son investiture, Bouteflika pour “la confiance” qu'il a investie en sa personne ! On avait alors supputé que Bouteflika avait enfin obtenu le blanc-seing qu'il escomptait. Mais, le vote de la loi des finances 2005 a plutôt révélé que ça ne baigne pas dans l'huile au sein du vieux parti. Les députés ont voté à leur guise alors que le ministre des finances, un proche de Bouteflika, n'avait de cesse d'avertir que ses dispositions découlent du programme présidentiel. Majoritaires, les élus du FLN ont agi, de fait, en atomes libres. Si pour le comment, il n'y a pas de mystère, dès lors que la plupart d'entre eux sont plutôt conservateurs, le pourquoi reste une énigme. On n'aurait pas mieux fait pour singulariser le FLN qui se présente comme pas assez lisse face à la ligne présidentielle, ce qui conforte Tou et ses amis. Le FLN, à leurs yeux, est trop composite : il faut lui faire subir un lifting, comme cela a été le cas pour l'armée dont l'histoire s'était, par ailleurs, étroitement confondue avec le FLN. La guerre qui fait rage entre Belkhadem et le groupe de Tou, qui rassemble pratiquement tous les membres FLN du gouvernement Ouyahia, serait-elle l'expression de deux visions différentes du rôle à assigner au FLN ? D'un côté, ceux qui veulent le perpétuer avec ses diverses composantes et, de l'autre, ceux qui estiment que sa coquille ne doit être occupée que par les éléments qui ont mouillé le tricot pour la réélection de Bouteflika, à savoir les comités de soutien de sa campagne électorale, qui attendent un retour d'ascenseur. Ce remue-ménage n'est pas une simple agitation de positionnements dont le FLN a excellé et, ce n'est pas dans ses pratiques, il s'agite en atome libre, comme livré à lui-même. L'annonce de Bouteflika devant le congrès des moudjahidine sur “la fin de la légitimité historique” est peut-être une piste. Porte étendard des constantes de la famille révolutionnaire, le parti historique peut-il, néanmoins, aller droit au mur, sans qu'il ait laissé place à une autre alternative ? Les coulisses du pouvoir bruissent des rumeurs sur de profonds changements, l'après-avril ayant révélé que les jeux ne sont pas si faits que ne l'avait laissé penser la reconduction de Bouteflika. Le système a, peut-être, prévalu, mais, tel quel, il n'agréerait plus Bouteflika. D. B.