C'est la deuxième fois, depuis la fuite de l'ancien président Ben Ali, le 14 janvier 2011, que l'état d'urgence est décrété en Tunisie, après avoir été levé le 6 mars 2014. Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a décrété, hier après-midi, l'état d'urgence à travers tout le territoire en Tunisie, d'une durée de 30 jours, dans un discours transmis à la télévision nationale. "En raison de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la Tunisie, nous avons décidé d'instaurer l'état d'urgence dans tous le pays pour une durée de trente jours, à partir d'aujourd'hui, dans le cadre de la loi du 26 janvier 1978", a déclaré le chef de l'Etat tunisien sur les chaînes de télévision locales. "Le contexte sécuritaire national, mais aussi régional, nous a amenés à entériner cette décision", a-t-il ajouté, expliquant que "pour une situation d'exception, il faut des mesures d'exception (...). Notre pays traverse une période difficile qui nécessite la mobilisation de tous, y compris du peuple tunisien". La décision des autorités tunisiennes de rétablir l'état d'urgence qu'elles ont levé, il y a quinze mois à peine, intervient une semaine après la sanglante attaque terroriste contre un complexe touristique à Sousse qui a fait 38 morts et 39 blessés, selon un bilan officiel. L'attentat, revendiqué par l'organisation de l'Etat islamique (EI), avait été commis un jeune étudiant tunisien de 24 ans qui a subi une formation militaire dans les camps d'entraînements de Daech en Libye voisine, selon les résultats de l'enquête des services de renseignement. Mais la décision du président tunisien n'est pas une surprise pour beaucoup de médias locaux et les analystes estiment que la Tunisie est plus que jamais exposée à la menace terroriste de Daech. L'attaque du Musée du Bardo, le 18 mars dernier, dont été victimes 21 touristes étrangers et un policier tunisien, et l'attentat qui a été commis le 26 juin contre le complexe touristique Imperial Marhaba à Sousse ont fourni suffisamment d'arguments aux autorités tunisiennes pour prendre une telle décision. "Nous avons pensé que l'attaque du Bardo était la dernière, mais nous avons eu tort. Car, aujourd'hui, nous faisons face à un fléau qui menace, non pas la Tunisie seulement, mais de nombreux pays. Aucun pays n'est à l'abri du terrorisme. La lutte doit être ainsi collective", a-t-il averti. "Nos services de sécurité avait presque vaincu les terroristes qui étaient dans les zones montagneuses. Mais aujourd'hui, ils agissent en ville et ils sont difficilement identifiables", a-t-il expliqué, faisant référence à l'auteur de l'attaque de Sousse qui était, en effet, inconnu des services de sécurité, ayant un casier judiciaire vierge et n'ayant jamais fait l'objet d'aucun soupçon. Aussi, le chef de l'Etat tunisien n'a pas hésité à reconnaître le laxisme des services de sécurité qui n'avaient pas pris assez de précaution, ni agi efficacement sur le plan de la collecte des renseignements, pour prévenir des attentats de l'ampleur de celle qui a ciblé le Musée du Bardo, au cœur de Tunis, et celle de Sousse. C'est qu'a affirmé, également, son Premier ministre, Habib Essid, dans un entretien qu'il a accordé à la BBC et dans lequel il a reconnu que la police avait été trop lente lors de l'attentat de Port El-Kantaoui, premier aveu officiel de défaillances sécuritaires. Tout en affirmant que "toutes les ressources seront mobilisées pour lutter contre le terrorisme", Béji Caïd Essebsi avoue, toutefois, que son pays ne dispose pas de suffisamment de moyens pour surveiller près de 500 kilomètres de frontières avec la Libye, source de menace terroriste pour la Tunisie. Le président tunisien avait indiqué, quelques minutes auparavant, que son gouvernement avait hérité d'une situation socioéconomique difficile, mais que cela ne justifiait en rien certains mouvements de contestation, notamment à l'intérieur du pays. "Ce gouvernement auquel le peuple a accordé sa confiance savait qu'il allait relever de grands défi sociaux, économiques et sécuritaires. Mais cela ne se fera pas sans la contribution de tout un chacun", a-t-il expliqué, appelant la société civile, les partis politiques et la presse au "sens de la responsabilité", non sans "vouloir porter atteinte à la liberté d'expression et à la liberté syndicale pour laquelle les Tunisiens se sont battus" en 2011, a-t-il encore insisté. À noter que plusieurs responsables ont été limogés, dont le gouverneur de Sousse, ont affirmé des sources officielles tunisiennes L.M.