Quelques jours à peine après l'attentat terroriste de Sousse qui a fait 38 victimes, dont une trentaine de touristes britanniques, la Tunisie replonge, en pleine saison touristique, dans l'état d'urgence pour une durée d'un mois. C'est sans doute à contrecœur que le président Béji Caïd Essebsi a pris une telle décision, sachant pertinemment que de toute manière la saison touristique – qui contribue pour au moins 25% de recettes en devises du pays – est pour cette année sans doute irrémédiablement perdue. Face au «danger d'effondrement de l'Etat, si de tels attentats venaient à se répéter», selon ses propres termes, le chef de l'Etat tunisien ne semble pas avoir eu d'autre choix, huit jours après le massacre de Port El Kantaoui, face au risque d'une dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Et pas seulement, puisqu'il n'a pas manqué, lors de son annonce de l'instauration de l'état d'urgence, de faire référence aux tensions sociales qui perturbent pour le moins le fonctionnement du pays, allant jusqu'à mettre en garde, face aux grèves qui se multiplient et aux revendications insistantes, qu'on ne «pouvait continuer» ainsi. Assimilant par là même la situation sociale à une désobéissance civile. Des propos graves et lourds de sens qui n'ont pas moins suscité des intentions d'un durcissement après que le régime de M. Essebsi eut pris des sanctions suite aux défaillances constatées dans le système de sécurité. Après trois années d'état d'urgence entre 2011 et 2014, la Tunisie semble s'orienter vers une évaluation plus réaliste des risques d'attentats terroristes, notamment devant la situation incontrôlable en Libye voisine, devenue une base arrière des groupes armés liés à Daech et à Al Qaîda. Il semble que le pays ait abandonné la sous-estimation des risques potentiels d'une recrudescence des attentats terroristes après ceux du musée du Bardo à Tunis et de Sousse et surtout eu égard au nombre élevé de Tunisiens dans les rangs de Daech en Irak et en Syrie. Aujourd'hui, les craintes de revoir une partie d'entre eux retourner au pays pour commettre des attentats sont de plus en plus persistantes. Si la Tunisie en est là, c'est parce que, depuis 2011, l'aide internationale en direction de ce petit pays fait défaut. On le constate et pas seulement à travers le sous-équipement des forces de sécurité. L'investissement étranger se fait rare dans le pays, handicapant sérieusement la relance économique, alors que les promesses d'aide, avancées lors de conférences internationales consacrées, s'évaluaient en centaines de millions de dollars ! L'élection de Béji Caïd Essebsi, saluée par les Occidentaux, ne semble pas avoir changé grand-chose. Le pays est toujours en proie aux mêmes difficultés économiques, aggravées par une situation sociale qui se dégrade constituant le terreau sur lequel se développe le terrorisme. Pour l'instant, à l'instar des Européens, les priorités se situent ailleurs, en Grèce. Néanmoins, la situation en Tunisie interpelle la communauté internationale à agir vite avant qu'il ne soit trop tard.