De nombreux syndicats affiliés à la Centrale ont affiché publiquement leur desaccord avec la “feuille de route “ du gouvernement. Les futures négociations s'annoncent tendues. La nouvelle année ne s'annonce décidément pas sous de bons auspices pour l'Exécutif : la stratégie industrielle élaborée il y a quelques mois, laquelle prévoit la privatisation de plusieurs centaines d'entreprises, continue à mesure qu'approche la date fatidique d'exécution de ce projet d'envergure de provoquer des remous au sein du monde du travail. Réfractaires, parfois même hostiles, de nombreux syndicats, affiliés à la puissante Centrale syndicale UGTA, ne manquent pas de l'exprimer publiquement. Depuis octobre dernier, et presque de manière saccadée, il ne se passe pas une semaine sans qu'un syndicat ne sorte de son mutisme pour rejeter ce que les travailleurs désignent, à tort ou à raison, sous le vocable de “privatisation sauvage et irréfléchie”. Après les syndicats du bâtiment, la métallurgie, le tourisme, l'agroalimentaire, c'est au tour de la compagnie Air Algérie. Et au rythme où vont les choses, il n'est pas exclu que d'autres syndicats viennent grossir les rangs des mécontents dans les prochaines semaines. Même si pour l'instant, ils se confinent dans une posture attentiste, sans doute en raison des garanties données par les pouvoirs publics, les syndicats des entreprises stratégiques, à l'image de ceux de la Sonatrach, rallieraient inévitablement les protestataires le jour ou l'Exécutif aura à déterrer le fameux projet sur les hydrocarbures dont on prête au chef de l'Etat la volonté de le faire passer contre vents et marées. C'est dire que, face à ce qui s'apparente à un volcan qui couve en sourdine, l'Exécutif aura fort à faire pour faire passer, sans encombres, les privatisations annoncées. Ouyahia va-t-il reculer ? Entre le “marteau” du pragmatisme, du reste imposé autant par la conjoncture nationale que par les engagements internationaux de l'Algérie comme l'adhésion à l'OMC et l'accord d'association avec l'UE, et “l'enclume” des risques de tensions sociales, l'exercice s'annonce périlleux pour l'Exécutif. Un exercice d'autant plus difficile que le président de la République a lui-même décrété l'année 2005 comme celle des réformes. En d'autres termes, les tergiversations et autres atermoiements qui ont souvent accompagné les discours ne seront plus de mise. Il y va, sans doute le réalise-t-il, en secret, de sa crédibilité maintenant qu'il est acculé à l'obligation des résultats. Assis sur un matelas financier confortable, l'Exécutif pourrait, bien entendu, amortir les contrecoups de la privatisation par une couverture sociale conséquente. Mais les travailleurs l'entendraient-ils de cette oreille ? Pas si sûr. Car quoi qu'on en dise, ce n'est pas tant la privatisation dans son acception économique qui est rejetée, puisque les travailleurs acceptent le partenariat et ne demandent rien de plus que la “concertation” et la “transparence”, mais la peur de voir le transfert des fonds de la sphère publique vers des sphères mafieuses. Une crainte d'autant justifiée que les spécialistes de l'économie sont unanimes à rappeler que toute réforme est tributaire d'abord de “la réforme des mentalités”. Un préalable, convenons-en, qui n'a pas encore voix au chapitre au regard des proportions de la corruption et des forces de la rente qui essaiment tous les rouages de l'Etat et plusieurs segments de la société. Même si Ahmed Ouyahia a déjà revu à la baisse les entreprises à privatiser après les premiers grognements des travailleurs, il reste que la tâche s'annonce ardue pour le reste. Une difficulté que renvoient d'ores et déjà les “effluves” de la colère qui enfle au sein des travailleurs. C'est dire que les prochains mois s'annoncent chauds. K. K.