Après un mois de jeûne d'une intense spiritualité, le monde musulman s'apprête à célébrer la fête de l'Aïd El-Fitr qui marque la fin du Ramadhan. Le jeûne est une pratique spirituelle qui nous permet de vivre en l'espace d'un mois ce à quoi nous aspirions toute l'année : se rapprocher plus, méditer plus, se souvenir plus, donner et aimer plus. Les mosquées se remplissent, les relations humaines s'étendent, s'approfondissent et s'enrichissent et même les cœurs les plus durs s'adoucissent en ce mois magique. Il est souvent très difficile de maîtriser sa langue, contrôler ses pulsions et faire face aux forces les plus négatives de son être. Comme il n'est pas facile d'éviter de blesser les gens, les culpabiliser ou les juger et tomber dans d'éternelles polémiques. Tout cela devient miraculeusement accessible en ce mois de discipline qui nous aide à identifier nos dépendances et s'en libérer. Nous voilà dans le 29e jour du Ramadhan qui s'apprête à nous tourner le dos. Il nous quitte au moment où nous en avons le plus besoin. Alors que tout au sein de notre communauté qui n'en finit pas de se déchirer nous pousse à vouloir tout abandonner, à nous isoler et à démissionner, c'est le Ramadhan qui est venu de manière providentielle nous réveiller, nous secouer de notre torpeur et faire renaître l'espoir dans le cœur de ceux qui pensent que rien ne pourra changer notre situation, nos peines, nos tristesses et nos souffrances. Chaque année, il vient nous rappeler avec force que l'islam est avant tout une religion du cœur, une spiritualité vivante, approfondie et sans cesse renouvelée. C'est à nous de faire en sorte que son absence ne nous pénalise pas. À nous de montrer que cette spiritualité est une force et une richesse pour nous et pour tous ceux qui nous côtoient tous les jours. À nous de montrer que nous savons aimer, donner, partager, écouter et pardonner. À nous de montrer que nous savons donner de notre temps et de nos richesses, donner de notre cœur et de notre âme, donner de notre paix intérieure et de notre humanité. À nous de montrer que nous continuerons à soulager les souffrances, sécher les larmes des opprimés et des victimes de toutes les injustices. À nous de montrer qu'il est encore possible de construire un monde meilleur pour nos enfants pour les arracher des griffes des manipulateurs de conscience, des prêcheurs de la haine et des semeurs de mort. L'Aïd El-Fitr (1) est la 2e fête de l'islam avec l'Aïd El-Adha (2). Il s'agit d'un mélange d'actes d'adoration avec la prière de l'Aïd (3), d'expression de joie et de bonheur et une opportunité pour se retrouver en famille, sans oublier les pauvres et les nécessiteux : "Epargnez-leur la mendicité en ce jour (de fête)." (4) La musulmane et le musulman sont appelés à profiter de ces moments privilégiés de réconciliation pour se parer de leurs plus beaux habits, prendre leur bâton de pèlerin pour multiplier les visites familiales et amicales et renforcer leurs liens de fraternité et d'amour par des échanges de congratulations, d'invocations et de cadeaux. Comment expliquer ce contraste dans l'attitude d'une personne qui s'inquiète du sort des Palestiniens, Syriens ou Maliens, elle a raison, mais qui ne montre aucun signe d'intérêt pour sa mère qui l'a péniblement porté durant neuf mois alors que "Le paradis est aux pieds des mères" (5) ? Elle ne demande jamais de nouvelles de son père qui a beaucoup souffert pour ses enfants. Ce comportement n'est pas conforme aux valeurs et aux règles de l'islam, car "N'entrera pas au Paradis, toute personne qui aura coupé ses liens de parenté" (6). Laissons parler nos cœurs et nos émotions en ces jours de fête, car les cœurs voient souvent ce que les yeux ne peuvent voir : "Car ce ne sont pas les yeux qui s'aveuglent, mais ce sont les cœurs dans les poitrines qui s'aveuglent" (Coran 22/46). Fêter l'Aïd El-Fitr c'est s'armer de courage et de patience, apprendre l'affection, offrir le pardon et répéter inlassablement : "Seigneur, nous Te demandons Ton amour, l'amour de ceux qui T'aiment, l'amour de ceux que Tu aimes et l'amour de tout ce qui nous rapproche de Ton amour." (7) Fêter l'Aïd El-Fitr, c'est apporter joie et bonheur dans les familles défavorisées car "Celui qui apporte la joie dans une famille aura le Paradis", dit le Prophète (PSL). Fêter l'Aïd El-Fitr, c'est aussi remiser nos différends, oublier nos querelles et nos rancœurs, enterrer la hache de guerre et tenter de "réconcilier les gens dont les rapports se sont altérés et les rapprocher s'ils se sont éloignés les uns des autres", selon une tradition prophétique. Puisse Dieu vous aimer et vous offrir de L'aimer, vous pardonner et vous couvrir de Sa Miséricorde, vous accompagner et vous protéger... vous et tous ceux que vous aimez en cette heureuse fête de l'Aïd El-Fitr pour laquelle je vous offre mes meilleurs vœux de bonheur, de santé et de paix intérieure. Que Dieu agrée notre jeûne, accepte nos prières et exauce nos invocations. Taqabbala - Llâhu minnâ wâ minkum. Bonne fête, Aïd El-Fitr moubrarak saïd... Incha Allah A. G. Recteur de la mosquée de Villeurbanne et universitaire 1 - Rupture du jeûne. 2 - Fête du sacrifice. 3 - Il s'agit d'une prière très recommandée de 2 cycles suivie d'un prêche (khotba). 4 - Rapporté par Daraqotnî et Bayhaqî. 5 - Ce hadith classé faible va dans le sens du hadith : "Agrippe-toi à ses pieds (mère), c'est là que se trouve le Paradis" (rapporté par Ahmad, An-Nassâï et Ibnu Mâjah). 6 - Rapporté par Bukhârî et Muslim. 7 - Rapporté par Tirmidhî