Un retour des mouvements armés dans la région d'Aguelhok est une menace pour le processus pour la paix et la réconciliation au Mali. Les forces de la Mission onusienne de maintien de la paix au Mali (Minusma) ont été la cible de tirs de mortier avant-hier dans le camp d'Aguelhok, dans le nord du Mali. Selon le chef de la Minusma, Hamdi Mongi, qui a condamné cette énième attaque contre les forces internationales de stabilisation, le camp d'Aguelhok, petite ville située à mi-chemin entre Tessalit frontalière avec l'Algérie, et Kidal, la capitale du Nord, a fait l'objet de tirs de mortier à 6h15 du matin, sans faire de victime ni de dégâts. Ville stratégique, elle a toujours attiré les radicaux qui s'en accaparent et surtout de la caserne désertée depuis janvier 2012 par les soldats maliens. C'est là où ont été commis les grands massacres des FAM, une centaine de soldats ont été exécutés, égorgés ou d'une balle dans la tête par les éléments du MNLA, selon les résultats d'une enquête diligentée par Bamako. Autour de la ville les carcasses de véhicules militaires et de blindés détruits et calcinés témoignent encore de la férocité des assaillants. Mais la ville est vite reprise par Ansar Eddine d'Iyad Ag Ghaly qui y impose ses hommes et l'application stricte de la charia. L'épisode du couple "illégitime" lapidé en a été le meilleur exemple. Le groupe terroriste en fera sa ville garnison surveillée par de jeunes recrues avec à la périphérie, dans les zones boisées, les caches d'armes qui seront d'ailleurs découvertes lorsque les forces françaises de l'opération Serval sont arrivées dans la région, et un camp d'entraînement où se sont exercés même d'autres groupes terroristes comme les Enturbannés, devenu "les Signataires par le sang" de Mokhtar Belmokhtar. Aguelhok restera encore otage puisqu'elle est encore sous la coupe du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA), une dissidence d'Ansar Eddine qui a pris le relais tout en poursuivant les mêmes pratiques. Et elle réoccupera une place médiatique en 2013 à travers des éléments de l'enquête sur la tentative de prise d'otages du site gazier d'In-Aménas. Selon ces éléments, l'attaque a été planifiée et préparée, six mois avant, dans cette ville en proie au chaos et sous contrôle des groupes islamistes au gré des alliances et des dissidences. Et qui vit au rythme des attaques et des explosions. Alors que les forces militaires internationales commençaient à reprendre le contrôle sur une bonne partie du nord du pays, notamment, Tombouctou, Gao et au nord, Kidal, Aguelhok et Tessalit, même défaits militairement, des groupuscules ont réussi à se reconstituer et continuer leurs activités de nuisance et de harcèlement des forces internationales, à l'image du contingent tchadien qui a été attaqué et délogé d'Aguelhok en décembre 2014. Paradoxalement, au moment où le danger séparatiste, qui a induit une situation d'instabilité propice à la prolifération des groupes terroristes, est écarté suite à la signature de l'accord d'Alger, les terroristes réapparaissent pour fausser tous les pronostics politiques et retarder le rétablissement de la paix au Mali. La poursuite des attaques dans cette région est symptomatique de la volonté des groupes terroristes de reprendre des territoires même symboliquement en défiant les forces onusiennes. Et le choix d'Aguelhok, première ville à tomber entre les mains de la rébellion puis des islamistes, participe de cette stratégie. D. B.