Verrouillé, le système politique égyptien résistera-t-il aux assauts des postulants à la présidence de la République, chasse gardée du parti national démocratique de Hosni Moubarak. L'élection présidentielle égyptienne prévue en septembre prochain suscite d'ores et déjà l'engouement sur les bords du Nil et ailleurs à l'étranger, notamment à Washington. Bénéficiant du soutien US, l'opposant Saâd Eddine Ibrahim émet le souhait de présenter sa candidature à la magistrature suprême. “Je veux me présenter à l'élection présidentielle et je vais lancer une campagne pour obtenir l'amendement de la constitution afin que moi-même et d'autres candidats éventuels puissent s'y présenter”, a déclaré le chef de file de l'opposition égyptienne. Cependant, toutes les portes sont closes devant lui, en raison de la procédure de désignation du candidat à la présidence en vigueur au pays des Pharaons. En effet, le nom d'un seul postulant sera soumis à référendum populaire après le choix aux deux tiers des membres de l'assemblée du peuple. Généralement, ce suffrage indirect constitue un véritable plébiscite pour l'heureux élu des représentants du peuple. Dans l'espoir de faire sauter ce verrou, Saâd Eddine Ibrahim a eu recours à deux autres potentiels candidats pour obtenir un million de signatures afin d'amender la constitution. La réforme aura pour objectif de permettre l'émergence de plusieurs candidatures et la réduction des pouvoirs très étendues du chef de l'Etat. C'est le début du parcours du combattant pour cet opposant déclaré à Hosni Moubarak, ainsi que pour la féministe Nawal Saâdaoui et l'homme d'affaires M'hammed Farid Hassanine, désireux eux aussi, de rivaliser avec le raïs, qui en est à sa vingt-troisième année au pouvoir. À soixante-seize ans, Hosni Moubarak, qui n'a pas encore officiellement annoncé son intention de briguer un cinquième mandat, est le favori du cercle du pouvoir. Le système politique en place lui assure une pérennité absolue, d'où la complexité de la tâche qui attend les opposants. Néanmoins, la démocratisation forcée des régimes de la région prônée par l'administration Bush dans le cadre du projet du “Grand-Moyen-Orient” vient contrarier les ambitions du président égyptien. Acceptant mal les critiques américaines sur l'absence de démocratie en Egypte, le raïs tente de contourner cette situation défavorable en se rapprochant d'Israël à travers l'accord de libre-échange signé avec ce pays en novembre dernier. C'est là une manière d'éviter les foudres des Etats-Unis et de se faire oublier. Une chose est sûre, toutes ces tentatives de réduire au silence Saâd Eddine Ibrahim ont échoué à cause de la pression exercée par Washington et l'Union européenne. En effet, sa condamnation à sept ans de prison en 2001 par la justice égyptienne pour avoir “terni l'image de l'Egypte” et “reçu illégalement des fonds de l'étranger” avait soulevé un tollé en Occident. Pis, cela avait empoisonné les relations égypto-américaines. Dans le but de ne pas noircir davantage l'image de Moubarak en Occident, le tribunal criminel du Caire s'est déclaré “incompétent” le 27 décembre dernier dans le traitement de la plainte déposée par 300 avocats égyptiens demandant le retrait de la nationalité égyptienne à Saâd Eddine Ibrahim. K. A.