Le retour de l'Iran sur le marché mondial des hydrocarbures impactera négativement sur le prix du baril de pétrole. Dans un tout récent rapport, la Banque mondiale a estimé, en effet, que la levée des sanctions entraînera une forte chute de prix qui atteindrait les 10 dollars courant 2016. Cette prévision, que tous les économistes affirment inquiétante pour l'économie nationale fortement dépendante des hydrocarbures, ne semble pas tirer le gouvernement de sa nonchalance, encore moins l'affranchir de son discours par trop rassurant concernant la conduite à terme des programmes de développement, principalement les projets d'équipement. Si en automne dernier, la première réaction de l'Exécutif à la baisse du prix du baril était de penser à un plan d'austérité, son discours est resté en total déphasage par rapport aux recommandations émises sous forme de circulaires et de notes. À tel point, d'ailleurs, que le secrétaire général par intérim du RND et néanmoins ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, a failli manquer à la solidarité gouvernementale en affirmant, lors de la sortie publique qui marqua son retour à l'exercice du leadership partisan, qu'il faut dire la vérité au peuple. $Une déclaration que l'ensemble des médias a comprise comme étant un reproche fait au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui répète à l'envi, et les ministres, à sa suite, qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter et que la chute des prix du pétrole n'affectera pas les programmes de développement. Le discours du gouvernement n'est évidemment pas un discours de vérité. Et Ahmed Ouyahia, qui fut d'ailleurs chef de gouvernement bien avant qu'Abdelmalek Sellal n'accède à ce magistère, le sait plus que quiconque, surtout qu'il officie aujourd'hui en tant que directeur de cabinet de la présidence de la République. D'aucuns conviendraient qu'on ne peut reprocher son alarmisme à Ouyahia comme pour un opposant. La vérité qui doit être dite au peuple a trait à la gravité de la situation, marquée par un reflux durable des recettes pétrolières qui induira inéluctablement, de l'avis de tous les économistes, un ralenti dans la dynamique de développement. Pis encore, avec la chute de 10 dollars sur le prix du baril estimée pour 2016, les perspectives sont bien plus sombres, contrairement aux assurances d'un Exécutif qui soutient même pouvoir maintenir le volume des subventions de l'Etat, malgré l'amenuisement des ressources financières. D'ailleurs, d'aucuns se seraient déjà demandé par quelle magie Abdelmalek Sellal réussirait-il à maintenir la cadence du développement économique alors que les financements manqueront forcément. De préférer le mensonge au discours de vérité, le gouvernement ne peut qu'avoir tort, même si une telle attitude chez lui découlerait du souci de ne pas affoler la population. Cette façon de gouverner, qui allie populisme et mensonge, a été expérimentée à la fin des années 1980 et au début des années 1990 avec les conséquences que l'on sait. Lorsque les prix du pétrole ont chuté au milieu des années 1980, les gouvernements de l'époque ont fait le choix de ne pas alerter sur la gravité de la situation qui poussa inexorablement vers le réajustement structurel dont les retombées aux plans politique, économique et social ont été très éprouvantes pour la population. S.A.I.