Résumé : Ilhem avait prévu une année sabbatique et s'apprête à trouver refuge à la campagne chez une amie à elle. Elle repensait à Samir... Il y a quelque temps, elle aurait payé cher pour l'avoir avec elle... Mais maintenant qu'elle attendait un enfant de lui, elle refusait de le revoir... Après tout, il avait bien Mordjana ! Elle soupire. Elle ne connaissait encore rien de Mordjana. Il lui avait révélé qu'elle était jeune, belle, douce et généreuse. Des qualificatifs qui confirmaient son attachement à cette femme qu'il n'avait pas choisie et qui avait su gagner son cœur et son amour... Et elle ? Que devenait-elle dans ce labyrinthe ? S'il avait accepté d'être le bouc émissaire d'une partie de poker, il pouvait tout aussi bien accepter d'être aujourd'hui le souffre-douleur de leur situation actuelle. Il se faisait tard. Elle allume une lampe et se dirige vers la cuisine. Ces derniers temps, son appétit était revenu. Elle mangeait bien, dormait bien et fantasmait. Elle rêvait d'escapades et de longues promenades dans les pâturages et les vastes prairies... Une amie lui avait proposé d'habiter chez elle à la campagne jusqu'à la fin de sa grossesse... Naïma était sa confidente et avait toujours trouvé le bon mot pour la réconforter. Ilhem l'avait aidée à rénover la vieille maison de ses grands-parents au bled. Lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle attendait un enfant, elle n'avait pas hésité une minute pour lui proposer de prendre un congé et de quitter la ville. En somme, c'était la meilleure résolution. Ses parents qu'elle n'avait pas revus depuis assez longtemps n'y verraient pas d'inconvénient. Elle aura le temps de leur annoncer son mariage lorsqu'elle mettra son enfant au monde... Un mariage religieux, sans tambour ni fanfare, puis une séparation... Elle gardera son bébé et fera d'autres plans pour son avenir. La nuit était tombée depuis belle lurette. Elle avait préparé le dîner et se met à table, tout en suivant un de ses programmes préférés à la télé. Samir ouvre la porte de la chambre d'enfant, et Mordjana dépose Amir sur son lit. Comme les enfants de son âge, il dormait d'un sommeil paisible, et la jeune femme le borde un moment, avant de remonter la couverture sur lui et de quitter les lieux sur la pointe des pieds. Dans la cour, elle rencontre Hasna qui l'attendait de pied ferme. Elle venait de passer quelques jours chez Malika, mais cela n'avait pas l'air d'avoir apaisé sa rancune. Sa belle- mère n'avait jamais accepté cette adoption...Elle l'avait d'abord mise en garde, puis s'était insurgée contre elle, tout en l'accusant encore une fois d'avoir usé de sorcellerie pour dominer Samir, afin qu'il adhère à ses caprices. -Alors, tu as ramené cet enfant ? Mordjana qui ne pouvait cacher davantage sa joie d'avoir enfin un enfant à elle s'exclame : -Oui Yemma Hasna... Il s'appelle Amir... C'est un ange descendu tout droit du paradis... Il dort, mais si tu veux le voir... Hasna l'interrompt d'une voix sèche -Non ! Je ne veux pas voir l'enfant d'un orphelinat... Tu as osé nous ramener un être sans racine ni famille... Quelle honte pour nous ! Nous allons devenir encore une fois la risée de tout le voisinage... A-t-on idée d'aller récupérer un enfant dont les parents n'en voulaient pas ? Mordjana mordit fortement sa langue et s'abstint de répondre crûment à sa belle-mère. La méchanceté de cette dernière poussait parfois à commettre l'irréparable. La jeune femme avait envie de la prendre par les cheveux et de la traîner à travers toute la cour pour lui rappeler que cela ne faisait pas longtemps, Aïssa, son mari, la traitait de la sorte, et elle avait supporté tous ses caprices une vie durant. Elle prend une lente inspiration et répondit d'une voix calme à sa belle-mère : - Cet enfant n'est qu'un innocent qui n'attendait qu'une âme charitable pour le récupérer... -Et tu es cette âme charitable bien sûr. -Nous le sommes tous... Samir, moi, toi... Outrée, Hasna lève la main pour l'interrompre encore une fois : -Ne me mêle surtout pas à cette mascarade... Tu as ramené un enfant de la rue, et tu parles de charité ! -Pas de la rue, te dis-je... Et même dans ce cas précis, quel est le péché d'un enfant qui ne réalise pas encore qu'il est dans un monde où les plus forts mangent les plus faibles. Hasna lui jette un regard méprisant : -Et bien sûr, tu es l'avocat des pauvres... Ah ! Qu'ai-je donc fait au bon Dieu pour mériter un tel destin ! D'abord ce mariage de poker, ensuite un enfant illégitime... Mordjana s'emporte : -Illégitime ou pas, c'est un enfant qui a besoin d'affection et de tendresse... Samir n'a trouvé aucun inconvénient à cette adoption, pourquoi t'acharnes-tu donc sur moi yemma Hasna ? Les yeux de Hasna jetaient des éclairs : -Je sais que c'est toi la diablesse dans tout ce qui touche à ces affaires... Samir est la première victime de tes jeux perfides... Pauvre de lui... Le jour où il se rendra compte de ce qu'il a subi sous l'effet de tes gris-gris, il s'en mordra les doigts... (À suivre) Y. H.