Résumé : Hasna n'en revenait pas. Amir l'avait appelée Mamie. Elle est de plus en plus furieuse contre sa bru. Sur son initiative, les membres de la famille ne cessent d'affluer pour rencontrer cet enfant ramené d'un orphelinat. Offusquée, Mordjana n'en pouvait plus de leurs remarques acerbes. Mordjana n'en pouvait plus de ces visites et de ces suggestions qui renseignaient sur la jalousie et les mauvaises intentions de ceux qui se dressaient contre son couple. Hasna avait remonté tout le monde contre eux... Depuis le soir où elle avait rencontré le petit Amir, elle n'avait cessé de crier haut et fort que sa maison servait maintenant d'asile aux enfants de la rue... Malgré les remontrances de Malika et les appels à la raison de quelques sages de leur entourage, elle n'en démordait pas. Elle n'avait jamais apprécié sa bru, et toutes les initiatives de cette dernière pour lui plaire n'étaient que pure comédie pour avoir toujours le dernier mot. Non ! Désormais, elle reprendra les rênes de la maison. Jamais elle ne la laissera dicter sa loi, d'autant plus qu'avec ce moins que rien qu'elle venait de ramener, elle ne pourra plus ni s'occuper de la maison ni même de son mari.... Hasna n'admettait pas ce coup qu'on venait de lui asséner. On ne l'avait pas consultée car on connaissait déjà son opinion sur le sujet. Malika tente de remettre un peu d'ordre dans cette pagaille. Elle conseille à Mordjana de s'armer de patience et de ne pas trop faire attention aux propos malsains de sa mère. Hasna vieillissait et devenait de plus en plus difficile à vivre et il y avait aussi derrière ce scénario les deux tantes aux langues de vipère : Djoher et Fettouma... Elle ira leur dire ce qu'elle pense d'elles un de ces jours. Pour le moment, il faut surtout rassurer Mordjana et l'encourager à prendre soin d'Amir. Elle avait aussi eu une longue conversation avec Samir qui, à maintes reprises, s'était révolté contre la conduite de sa maternelle. Malika a su apaiser sa colère et l'avait félicité pour cette adoption qui venait à point nommé pour boucler le bec aux mauvaises langues. Les médisances allaient bon train mais il fallait s'y attendre. Les gens étaient comme ça... Ils tendaient l'index et accusaient sans pour autant revoir leur propre conduite, ou reconnaître leurs tares...C'est ainsi. On dit que le chameau ne voit jamais sa bosse. Au bout de quelques semaines, la tension se relâcha. Les visites s'espacèrent, et on ne parlait plus ni de Mordjana ni de l'enfant ramené d'un orphelinat. Samir se déplaçait souvent dans le carde de son travail, mais s'arrangeait toujours pour rentrer chaque soir à la maison afin de jouer avec son fils et de se rapprocher davantage de lui. Cependant il repensait de plus en plus à Ilhem et à son enfant... Il avait beau tenter de la recontacter, en vain. Il s'était même rendu chez elle, mais n'avait pu ouvrir la porte de l'appartement. Ilhem avait pensé à tout. Elle avait changé les serrures, et au bureau, on lui avait appris qu'elle était partie se reposer à la campagne... Pour combien de temps... ? Personne ne le savait. La secrétaire lui avait même parlé d'une éventuelle année sabbatique, et il avait compris qu'elle voulait cacher sa grossesse et ne revenir que lorsqu'elle aura accouché. Peut-être même ira-t-elle s'installer ailleurs ! Il avait tremblé à cette perspective... Ilhem n'avait pas le droit de l'empêcher de connaître son enfant et de cacher à ce dernier la réalité sur son père. Elle avait dit qu'elle allait tout lui raconter dès qu'il aura l'âge de comprendre. À quel âge l'enfant pouvait-il comprendre que sa mère l'avait sciemment éloigné de son père ? Samir ne savait plus à quel saint se vouer. Depuis quelques mois tout s'enchaînait. Ilhem et sa grossesse, Mordjana et Amir, Hasna et ses réticences... Et lui dans tout ça ? Il avait l'impression de nager au fond d'un océan sans entrevoir l'ombre d'une lueur. Tout ce qui lui arrivait était injuste. Il avait supporté les sautes d'humeur de sa femme, et pour reprendre confiance, avait renoué avec Ilhem qu'il n'avait jamais pu oublier. Et puis, et puis quoi ? Il s'était comporté comme tous les hommes, il avait besoin d'un soutien moral et était allé le chercher chez son ancienne amie. Il sentait que le monde se liguait contre lui : Ilhem lui faisait faux bond, depuis qu'elle avait Amir, Mordjana l'oubliait un peu... pour ne pas dire qu'elle ne s'occupait plus de lui comme auparavant. Mais là n'était pas le drame... Samir traversait une crise très délicate. Certes, depuis que le petit Amir est parmi eux, il était un peu plus rassuré sur l'état mental de sa femme. Cette dernière était devenue plus gaie et plus facile à vivre depuis que la famille a cessé de la harceler. Elle passait beaucoup de temps avec son fils, lui achetait plein de choses, le promenait et ne se mettait au lit qu'après l'avoir bordé et lui avoir raconté une histoire, avant de l'endormir et de veiller à son confort. Amir s'habituait à ses parents adoptifs et prenait ses aises dans la maison. Il courait dans la cour, jouait avec les enfants de Malika lorsqu'ils passaient le week-end chez eux, chantait, dansait et s'amusait pleinement. Jamais, il ne s'était senti autant en sécurité comme il l'était auprès de cette famille qu'il commençait à découvrir. Il se plaisait dans la maison mais évitait de bifurquer vers la cuisine ou vers les autres chambres. Sa maman le lui avait interdit. Lui-même appréhendait les excès de colère de la vieille Hasna. Il avait appris à l'esquiver autant qu'il le pouvait. Elle le terrorisait par ses regards méchants, et souvent il avait couru se réfugier dans les jupons de Mordjana rien qu'à sa vue. (À suivre) Y. H.