Depuis son instauration le 2 juillet pour 30 jours, puis son renouvellement pour une période de 60 jours, l'état d'urgence fait l'objet de nombreuses critiques au sein de la société tunisienne et des ONG internationales. Des enseignants ont manifesté hier à Sidi Bouzid, point de démarrage de la "révolution du Jasmin" en 2010, et à Sfax, pour dénoncer la répression dont ils ont fait objet, mercredi, de la part des forces de l'ordre, ont rapporté les médias locaux. Appuyés par des associations et de simples citoyens, les membres du corps éducatif ont organisé un rassemblent devant le siège de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) et du gouvernorat, à l'appel, jeudi, de l'Union régionale du travail (URT). La colère du syndicat et des membres de l'éducation est également dirigée contre le gouverneur qui a autorisé la police à faire usage de bombes lacrymogènes pour disperser une manifestation pacifique. La manifestation de mercredi était motivée par une décision de la direction régionale de l'éducation concernant la retenue sur salaire et la sanction de ses collègues pour avoir observé une grève pour demander une revalorisation de leurs paie et une amélioration de leurs conditions de travail. L'UGTT a qualifié cette intervention de la police d'"injustifiée" et a appelé à une action judiciaire contre les "agresseurs", réaffirmant "son refus d'exploiter l'Etat d'urgence pour réprimer les manifestations sociales", lit-on sur son site Internet. En effet, la manifestation du corps éducatif et sa répression par les forces de sécurité aurait pu passer inaperçue, dans un autre contexte. Mais ce n'est pas le cas, surtout en cette période de grande instabilité sécuritaire et d'incertitudes politiques, économiques et sociales que vit la Tunisie. En effet, l'instauration de l'état d'urgence en Tunisie, depuis le 2 juillet pour une période de 30 jours, a suscite de vives réactions de la part de beaucoup d'acteurs politiques et de la société civile qui ont exprimé leur crainte quant à d'éventuels abus sous couvert de lutte contre le terrorisme. Les assurances fournies par le président Béji Caïd Essebsi n'ont pas suffi pour calmer la peur des opposants à cette décision qui a été renouvelée pour une période supplémentaire de 60 jours. Car, dès son entrée en vigueur, les autorités tunisiennes ont commencé par démanteler un camp implanté par de jeunes chômeurs à Gafsa depuis des semaines. Dans la foulée, le Parlement a adopté, après des semaines de vifs débats, la nouvelle loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, avant sa promulgation, début août, par le président Essebsi, provoquant aussi la polémique, notamment dans le milieu de la presse. Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) s'est élevé contre certains articles, contenus dans ce texte, dénonçant une tentative de museler les libertés pour lesquelles les Tunisiens ont mené la "révolution du Jasmin". Une campagne appelée "La liberté de l'information ne tient qu'à un fil" a, d'ailleurs, été menée par le SNJT, avec le soutien de Reporters sans frontières (RSF), durant les deux premières semaines du mois d'août, afin de "sensibiliser l'opinion publique sur l'importance de la liberté de la presse en Tunisie" et les risques des dérives sécuritaires pouvant découler de l'instauration de l'état d'urgence et de l'adoption d'une loi anti-terroriste controversée. L. M.