Liberté : La prise en charge médico-pharmaceutique des patients cancéreux semble s'améliorer ces dernières années. Comment évaluez-vous la situation ? Hamida Kettab : Le premier outil d'évaluation est la disponibilité du médicament. Nous avons effectivement souffert de ruptures récurrentes de médicaments anti-cancéreux, jusqu'à ces trois ou quatre dernières années. Aujourd'hui, nous n'avons plus ce problème, même si parfois des médicaments de base tout simples et pas cher manquent et retardent l'administration d'un protocole thérapeutique. D'autre part, le soin des cancéreux se heurte à la problématique de l'accessibilité à la radiothérapie. Nous ne comprenons pas pourquoi, alors que des cliniques privées commencent à proposer des solutions, ces soins ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Cela remet en cause un des fondements de notre système de santé, à savoir l'égalité de l'accès aux soins pour tous, puisque seuls les patients aisés peuvent se faire soigner. Nous proposons donc que ces soins dans les cliniques, qui sont de réelles solutions, soient remboursés afin d'assurer l'accessibilité de la thérapeutique à tous les patients. Plus généralement ne plus faire de la prise en charge du cancer des déclarations de bonne foi et commencer par le "commencement", c'est-à-dire la prévention via des campagnes de communication et de sensibilisation massives, car au jour d'aujourd'hui, aucune campagne sérieuse de communication n'a été mise en place par le ministère de la Santé. La notion de qualité de vie est encore peu partagée et non priorisée. Comment y remédier ? Souvent, le patient atteint de cancer est perçu lui-même comme étant le cancer, comme un fardeau dont il faut se débarrasser le plus tôt possible. Son humanité disparaît aux yeux des autres qui ne font plus attention ni à sa douleur ni à sa détresse. Il y a un travail de sensibilisation important à faire à tous les niveaux de la société et dans le milieu médical lui-même pour rectifier cette situation pathétique. Nos hôpitaux doivent avoir un visage plus humain pour les patients. Les situations terribles que subissent parfois les malades, comme de partager la chambre de plusieurs personnes en fin de vie, les entendre souffrir et gémir en attendant la fin, est inadmissible. Moins dramatique, mais aussi épuisant et décourageant, le manque d'orientation dans les hôpitaux parmi les différents services qui fait du parcours du pauvre patient un véritable calvaire. Des mesures urgentes, nous ne cessons de le répéter, doivent être prises pour pallier tout cela. En définitive, il faut recentrer nos efforts sur ce qui est central : le patient.