Son nouvel Album Awal sortira le 23 octobre en France et le 26 octobre en Algérie. Les préoccupations culturelles à l'honneur, et un hommage à l'inoubliable Cherif Kheddam. Un album sur fond de questionnements Après un long silence, qui n'était pas un choix mais plutôt un repli pour faire le point et prendre un nouvel élan, et quatre albums sortis entre 1998 et 2003, Malek Kenane revient en force avec Awal, le nouveau-né de sa verve poétique et musicale. À travers une pochette intelligente et bien conçue, Awal nous interpelle au premier regard. Passé l'effet visuel agréable et inattendu, on y entre comme on entre dans une galerie d'art, où les fresques contemporaines (modernité) dialoguent avec les œuvres anciennes (racines). Si Mliyi, titre incontournable de son premier album, a marqué les esprits par son message humainement percutant, sa quête de vérité ne s'est pas arrêtée là. Elle se poursuivra jusqu'au nouvel album, avec des exigences revues à la hausse. Et cette nouvelle "exigence" s'appelle Awal, un opus riche d'une constellation de chansons à thèmes variés qui, tout en se dévoilant, livre de grandes interrogations. Un album plein de couleurs et de saveurs de chez nous. Jamais les racines et les ailes n'ont autant dialogué dans cette œuvre où l'amour et la vie tout comme les valeurs d'hier et celles d'aujourd'hui s'interrogent en continu. Il dresse un réquisitoire contre l'extinction programmée de notre culture. À la putrescence générale, à la réalité qui parfois donne le coup de grâce à tout espoir, il invoque les racines, avec des mots simples mais lourds de sens. De cette profonde plongée dans les origines, notre artiste ressort avec des constats amers qui frôlent la désillusion et des craintes qu'il n'arrive pas à déloger, surtout lorsqu'il dénonce l'effondrement des valeurs dans notre société et la sinistre perspective qui guette la langue berbère. Même si Awal est avant tout un mot de vérité, c'est aussi un nouveau regard sur une réalité qui n'a pas fini de livrer ses déceptions. Malek Kenane a apposé à ce nouvel album une emprunte culturelle hautement marquante. En effet, Awal brosse une succession de tableaux socioculturels alarmants. Le titre Taqbaylit se dresse comme la question épineuse. Cette chanson, qui est un appel aux parents pour les sensibiliser sur l'importance de transmettre taqbaylit à leurs enfants, est un constat sur les perspectives sociolinguistiques de la langue berbère. Son message est le plus pertinent que Malek Kenane a eu à délivrer depuis le début de sa carrière. On doit aussi à cet album d'avoir revisité l'impensable tragédie d'Aheddad lqalus, un travail de fouille qui a non seulement contribué à sauver ce trésor de l'oubli mais l'a repensé avec beaucoup d'impartialité. Côté sentimental, la chanson d'amour cède du terrain à d'autres préoccupations, pour la plupart culturelles, mais ne décline pas en profondeur. Toujours aussi attendrissant, le répertoire sentimental est cependant porteur d'une nouvelle lecture, où l'amour bat et se débat dans le grand fleuve (pas toujours tranquille) de notre existence. Sur le plan musical, le patrimoine est en exergue. Dans cette œuvre équitablement dédiée à la musique et à la poésie, il a réussi une belle équation artistique. Tout en déplorant l'absence de repères et la corruption des valeurs dans l'Algérie d'aujourd'hui, il invite à ses textes des instruments et des sonorités qui sont tout autant menacés de disparition et d'oubli que la langue taqbaylit. Preuve à l'appui de sa volonté de remettre les pendules culturels à l'heure. Si Malek Kenane dénonce la décadence des valeurs traditionnelles et morales et l'extinction de notre patrimoine culturel avec autant de force et de conviction, c'est parce qu'il sait que l'absence de repères est un poison mortel. Soulignons un fait important : bien qu'il se revendique de l'influence musicale de Cherif Kheddam, il ne cherche pas à évoluer dans son ombre. C'est un artiste qui chante ses propres vérités, qui porte un vrai regard sur la société et véhicule des idées et des messages certains. Ses points forts : des chansons sentimentales intensément émouvantes, les racines toujours présentes, une intégrité artistique et une qualité de travail irréprochable. À rappeler qu'il compte à son actif quatre albums : Temziw (1998), Ak m-ttnadigh (2000), Ixulaf n tagrawla (2001) et Sfed imettawen-im (2003). Awal, en un mot Qu'il soit un message d'espoir implicite ou le constat des grandes désillusions, Awal est un album qu'il ne faut pas hésiter à acquérir comme on acquiert une belle œuvre d'art. À partir du 23 octobre, chacun en fera sa lecture, chacun aura son "awal" à dire. Dans l'ensemble de sa carrière, c'est aucun doute l'album de la consécration. Un pari réussi haut la main. L. A-L.