Résumé : Nardjesse baigne dans le bonheur. Enfin son commerçant est venu demander sa main, et sa sœur aînée avait consenti à l'accompagner. Nawel est heureuse pour sa voisine mais la met tout de même en garde contre les coups de la vie. Un mariage est une affaire trop sérieuse. On ne peut jamais connaître quelqu'un assez. Elle-même avait eu le cœur brisé par un homme qui prétendait l'aimer. Nawel hoche la tête : -Ne ressent la douleur de la braise... -Que celui qui marche dessus. Je sais où tu veux en venir. Je te comprends amplement. Moi aussi j'ai souffert avec mon premier mari. Mais Dieu est grand et a récompensé ma patience. -Tant mieux pour toi. Je te souhaite tout le bonheur du monde Nardjesse. -Merci. Je n'aurais jamais cru que tu portais un aussi lourd fardeau sur le cœur. Nawel sourit et hausse les épaules : -Je vis avec ce fardeau depuis de longues années. L'habitude a pris le relais. -Excuse-moi si je te parais indiscrète, mais n'as-tu pas rencontré quelqu'un d'autre depuis ta rupture ? -Je ne veux plus d'un autre. J'ai bu le calice jusqu'à la lie. -Pauvre Nawel. Moi qui te voyais toujours souriante et heureuse. -Je le suis quelque part. J'ai mon travail, j'ai mes lecteurs, j'aime ce que je fais. Je suis une grande passionnée d'écriture. -Ce n'est pas suffisant tout ça pour une femme aussi belle et aussi intelligente que toi. Je sais que tu écris des romans. Tout le monde suit tes feuilletons et les commente dans notre quartier. Moi je ne suis pas douée pour ça, tu le sais bien. Mais ma jeune sœur Meriem me lit quelquefois certains passages. Je les trouve exquis. Nawel sourit : -Il n'y a rien d'exquis. Je raconte ce que l'inspiration du moment me permet d'imaginer. Ce n'est pas sorcier. -Mais si. Ce n'est pas tout le monde qui peut faire un travail aussi précis et recherché que le tien. -Bof. À chacun son dada. Il se trouve que j'ai toujours aimé lire et écrire, voilà tout. Nardjesse lui serre le bras : -Mais tente de remonter la pente tout de même. Trouve-toi quelqu'un ma chérie et fais ta vie. -Merci pour ton conseil, ma chère voisine, mais il se trouve que j'ai une sœur qui ne cesse de me harceler sur ce point. Cela suffit donc. -Salima a amplement raison. Elle va bientôt se marier, et tu te retrouveras seule dans cet appartement. -Je n'ai pas peur des fantômes, tu sais. -Ne te mens pas à toi-même Nawel. La solitude te guette, et la mélancolie aussi. Sois plus réaliste et ne cherche pas à te dérober à ton destin. Nawel s'étire et baille encore. Nardjesse remarque enfin son air somnolant : -Ne me dis pas que tu dormais encore, et que c'est moi qui t'avais réveillée ? -Je dormais certes. Mais tu as bien fait de me réveiller. J'étais partie pour dormir jusqu'au soir. -Je suis désolée pour le dérangement. Je voulais juste te mettre au courant de la suite de "mon" feuilleton. Nawel se met à rire : -Très bien dit. Tu vois comme tu es intelligente tout de même. -Pas autant que toi. Un jour, tu écriras l'histoire de ma vie, j'en suis convaincue. -Pourquoi pas ? Ton expérience servira peut-être de leçon aux jeunes écervelées. Nardjesse s'en va, et Nawel revient dans sa chambre. Elle se rallonge sur son lit et paresse un moment, avant de se lever pour prendre une douche et manger un sandwich. Salima arrive. Elle reproche à sa sœur d'être restée enfermée toute la journée. Mais Nawel était trop épuisée moralement pour lui tenir tête, et préfère se murer dans un long silence. Ce que sa sœur n'appréciait pas du tout. En début de soirée, Mourad, le fiancé de Salima, vint leur rendre visite. Il avait apporté des fruits et un bon livre pour Nawel. Cette dernière en fut heureuse. Cela faisait des jours qu'elle voulait se rendre à la bibliothèque pour s'approvisionner en lecture, mais elle n'en avait pas eu l'occasion. Parfois c'est son travail qui l'occupait, et d'autres fois, ce sont ses crises de mélancolie qui reprenaient le dessus et qui l'empêchaient d'apprécier la vie à sa juste valeur. Dans de tels moments, un creux se formait dans son cerveau, et elle n'avait envie de rien. De rien. Si ce n'est mettre fin à son existence ! (À suivre) Y. H.