Les habitués du Sila sont revenus sur les bons et mauvais côtés de cette édition, sur Le prix Assia-Djebar du roman et sur la grande affluence des visiteurs. Le 20e salon international du livre d'Alger (Sila), qui s'est tenu du 29 octobre au 7 novembre, sous le thème : "20 ans à la page", promettait de belles choses pour cette édition qui marque son 20e anniversaire. À cette occasion, le commissariat a offert durant dix jours diverses programmations culturelles autour du livre. Aussi, cette édition a vu l'installation du Prix Assia-Djebar du roman, qui a récompensé trois jeunes pour leurs œuvres en langue française, arabe et amazighe. Outre le livre et les auteurs, les acteurs principaux de cet événement sont les éditeurs (908 participants dont 290 algériens). Au dernier jour de cette édition, nous avons rencontré quelques éditeurs, des habitués du salon international du livre, qui sont revenus sur le déroulement du salon de cette année, le Prix Assia-Djebar et, bien évidemment, sur le travail réalisé par leurs éditions. Pour cette 20e édition, nous restons dans l'ambiance des années précédentes * Samia Zennadi, éditions Apic : "Cette année, je n'ai pas relevé beaucoup d'améliorations. Après le Sila, les organisateurs devraient envoyer une sorte de questionnaire pour demander l'avis des participants et ce, dans le but de voir comment nous pouvons améliorer les choses. Nous sommes conscients que de nombreux efforts ont été nécessaires pour réaliser cet événement (niveau espace, sa notoriété...). Mais, nous aurions pu contribuer à l'amélioration, s'ils nous impliquaient en prenant en considération nos remarques. En tant, qu'éditrice je n'ai pas vu les organisateurs passer au niveau des stands pour vérifier ce qui n'allait pas où alors si tout se passait bien. C'est ce genre de chose que nous avons déjà signalé par le passé mais cela se répète chaque année.Nous avons l'impression que ces erreurs font partie du décor du salon. Pour cette 20e édition, je n'ai rien constaté de spécial, chaque éditeur a, de son côté, essayé de mettre en avant sa production, ses nouveautés et ses auteurs." * Selma Hellal, éditions Barzakh : "Le Sila a fêté ses 20 ans cette année. 20 ans, c'est énorme en termes de pérennité. Cela signifie que c'est un acquis dans le paysage culturel des Algériens, un repère, il y a donc bel et bien de quoi se réjouir. Sur le plan organisationnel, il me semble que nous restons dans l'ambiance des années précédentes : l'affluence du public est telle (1,4 million en 10 jours !) que ce moment demeure extrêmement difficile à gérer. C'est un casse-tête pour les organisateurs (heureusement qu'il y a le tramway). Peut-être faudrait-il assumer davantage la dimension ‘foire/ kermesse' du Sila, avec ce que cela représente comme divertissement, comme bruit, comme désordre et comme foule, et réduire les rencontres littéraires (moments qui souffrent chaque année d'une terrible désaffection, très frustrante pour les auteurs) à de micro-événements sur les stands des éditeurs." * Saïd Yassine Hannachi, éditions Média-Plus : "Le concept du Sila et de toutes les manifestations livresques internationales doit être revu et corrigé. Faut-il continuer à confier la gestion de ces manifestations à des éditeurs en exercice ? La question reste posée. Ce n'est pas une mince affaire de gérer un Salon du livre. Donc des hauts et des bas comme lors des précédentes éditions." * Assia Mousseï éditions El-Ikhtilef : "C'est la même organisation et le même esprit, ça n'a pas changé. Par rapport au programme culturel ce sont toujours les mêmes invités, ce sont à peu près les mêmes thèmes. Chaque année on leur propose (organisateurs) d'envoyer un courrier officiel aux éditeurs pour demander ce qu'il y a comme nouveautés, comme événement, comme auteurs intéressants. Cette année la plupart de nos auteurs ont boycotté le programme d'animation parce qu'ils n'ont pas été programmés alors qu'ils ont des nouveautés. Ils parlent d'un salon professionnel mais il ne l'est pas du tout. Par exemple : il n'y a pas de base de données, les gens qui viennent sont complètement perdus et livrés à eux-mêmes, quand on cherche un livre c'est pratiquement impossible de le trouver. Il faut installer une base de données à l'extérieur du moment qu'ils ont toutes les listes quelques mois avant le salon donc ils peuvent faire ça. Dans les autres salons étrangers, par exemple à Beyrouth, ils ont un système de bons : pour chaque livre vendu un bon est remis au commissariat, ensuite à la fin du salon ils peuvent faire les statistiques et connaître les meilleures ventes et ainsi savoir ce que lit l'Algérien." Prix Assia-Djebar du roman : une réflexion dans l'exclusion Selma Hellal, éditions Barzakh : "Cette initiative est une excellente chose. Nous félicitons d'ailleurs les lauréats et espérons qu'ils persévéreront dans l'exigeante voie de la littérature. Nous regrettons cependant que des dysfonctionnements incompréhensibles aient entaché le déroulement. L'écrivaine Maïssa Bey, qui concourait avec son roman Hyzia, a été éliminée de la liste sans prendre le soin de prévenir l'éditeur, sans, surtout, sans avancer d'argument officiel pour expliquer cette éviction. Aujourd'hui encore, le mystère reste entier. D'autres éditeurs ont émis de semblables regrets. C'est très dommage." * Samia Zennadi, éditions Apic : "Pour le Prix Assia-Djebar, j'ai le regret de dire que hormis l'annonce et le fait de nous avoir demandé de sélectionner des titres, (alors nous avons proposé deux romans celui de Ferchiche Absolue canicule et celui de Youcef Tounsi Face au silence des eaux). Mais, en tant qu'éditeur nous n'avons pas suivi, vu que nous n'avons pas eu la liste des nominés. Nous n'avons pas été associés à cet événement. Pourquoi cela a été réfléchi comme ça ? C'est plus une réflexion dans l'exclusion qu'une réflexion autour d'un prix littéraire qui porte quand même le nom d'Assia Djebar. J'ai le regret de le dire : il a été réalisé avec beaucoup d'amateurisme." * Assia Moussei, éditions El-Ikhtilef : "Concernant, le Prix Assia-Djebar, il y a un point d'interrogation, on ne sait pas pourquoi nos livres ont été éliminés, ils nous ont contactés pour participer, mais nous n'avons pas eu une réponse officielle. Nous avons eu une réponse de manière informelle, on l'a su par hasard : deux membres du jury sont passés à notre stand pour acheter des livres proposés pour ce concours. Nous étions étonnés, selon ces personnes (jury), ils n'ont pas eu en leur possession ces romans. C'est dommage parce que c'est la première édition en plus c'est le nom d'Assia Djebar." * Saïd Yassine Hannachi, éditions Média-Plus : "Le prix Assia-Djebar a le mérite d'exister, je ne juge pas cette première édition à laquelle j'ai été convié mais n'ai pas assisté. Bravo aux lauréats. Il n'empêche qu'un prix littéraire c'est très sérieux !" Forte affluence et grosses ventes pour les maisons d'éditions * Samia Zennadi, éditions Apic : "Il y a eu beaucoup de monde, nous avons organisé des ventes-dédicaces, on découvre que les gens viennent de Batna ou de Khenchela parce que le livre n'arrive pas chez eux donc ce sont eux qui se déplacent pour acquérir des livres et rencontrer leurs auteurs. Le Sila nous a permis de rencontrer les lecteurs que nous n'avons pas l'habitude de recevoir dans les librairies." * Saïd Yassine Hannachi, éditions Média-Plus : "Nous avons participé à ce salon avec une centaine de titres dont 15 nouveautés qui ont connu un grand succès auprès du public. Des romans mais aussi des ouvrages en histoire et des essais. Le volet animation a été très apprécié par le public, 6 rencontres-débats suivies de signatures à l'espace France et sur le stand Média-Plus avec de grands auteurs mais aussi un jeune lauréat du concours du nouveau roman fantastique 2015. De nombreux contacts ont eu lieu avec le public, quelques manuscrits nous ont été proposés et seront soumis directement à notre comité de lecture. Une participation en somme réussie." * Selma Hellal, éditions Barzakh : "Le Sila est un rendez-vous déterminant pour rencontrer le public et nous ressourcer à son contact quand nous découvrons son enthousiasme et sa curiosité. C'est aussi un moment où, très concrètement, nous renflouons les caisses, ce qui est non négligeable. Nos nouveautés, aussi bien les romans que les essais, ont eu un succès indubitable. Hizya, le dernier texte de Maïssa Bey, ainsi que le roman de Miloud Yabrir Djanoub el melh (prix Sharjah, Emirats arabes unis) ont attiré un public constant et nombreux. Ce qui est fascinant également, et très touchant, c'est de voir combien les lecteurs ont besoin d'aller à la rencontre des auteurs, de leur parler, d'échanger avec eux, de les toucher, de vérifier que ce sont des êtres de chair et de sang, accessibles et disponibles, il y a quelque chose de magique à observer leur joie et leur fierté à se faire photographier avec eux, je pense notamment à Maïssa Bey et Amin Zaoui." H. M.