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"Nous savons des choses très graves"
Khalida Toumi, signataire de la lettre des "19", à "Liberté"
Publié dans Liberté le 11 - 11 - 2015

Ancien ministre de la Communication et de la Culture, Khalida Toumi affirme, dans cet entretien, que le groupe des "19", signataires de la demande d'audience au chef de l'Etat, détient des informations "très graves" et qu'il urge de porter à la connaissance de Bouteflika.
Liberté : Quel commentaire faites-vous de la réaction du Premier ministre Abdelmalek Sellal ?
Khalida Toumi : Je remercie le Premier ministre pour l'intérêt qu'il porte à notre démarche, puisqu'il s'est senti obligé de se prononcer. Cependant, avec tout le respect que je dois à sa personne et au rang qu'il occupe, je lui rappelle que le respect du fonctionnement institutionnel aurait voulu qu'il se rende compte que notre lettre est adressée au président de la République et non pas à lui. Qu'il se rende compte, aussi, que le respect du fonctionnement institutionnel aurait voulu qu'il ne détourne ni le courrier ni la parole du Président. Car, avec sa réaction, il ne fait qu'apporter de l'eau à notre moulin. Il démontre que lorsque nous avons écrit au Président que nous assistons à une situation de délitement des institutions de l'Etat, que nous assistons à un remplacement du fonctionnement institutionnel par un fonctionnement parallèle, illégal et illégitime, nous avions raison.
Mais c'est justement à vous que le Premier ministre reproche de remettre en cause les institutions de la République ?
Nous sommes très respectueux du pays, des institutions de la République, du Président et du peuple algérien. Dans le même temps, nous sommes mus par un souci citoyen et patriotique ; ce qui nous met en devoir et en droit d'alerter le Président lorsque justement les institutions de l'Etat, l'Algérie et son indépendance sont menacées.
Le SG du FLN, Amar Saâdani, et le chef intérimaire du RND, Ahmed Ouyahia, ont eu la même attitude à l'égard de votre démarche...
Eux aussi, à travers leur réaction, ont accaparé le courrier et la parole du président Abdelaziz Bouteflika. Mais c'est surtout l'attitude de monsieur le directeur de cabinet de la présidence de la République qui m'a choqué. Outre le fait que le courrier ne lui était pas adressé, il a porté des jugements sur les signataires de la demande d'audience. Je cite et je reprends le propos de Mme Zohra Drif-Bitat, pour dire que c'est un comportement pour le moins "indigne". Peut-on seulement penser manipuler les moujahids Abdelkader Guerroudj, Mustapha Fettal, Mohamed Lamkami et Zohra Drif-Bitat.
Mais la présidence de la République n'a pas donné suite à votre demande ?
Nous avons, dès le départ, expliqué que nous allons prendre le temps d'attendre quelques jours. Nous savions que le Président a un calendrier très chargé pour nous répondre tout de suite. Ce pourquoi nous préférons patienter encore un peu.
Mais l'entourage du Président vous a bel et bien signifié une fin de non-recevoir...
Est-ce qu'ils se rendent compte qu'ils sont en train de démontrer que tout ce que nous avons écrit est vrai. Est-ce qu'ils se rendent compte que la violence et la démesure de leurs réactions donnent une image encore plus alarmante de l'état dans lequel sont les institutions de la République. Est-ce qu'ils se rendent compte seulement ? Je crains que non.
Mais pourquoi ces réactions "violentes" et "démesurées" puisque vous le dites...
Parce qu'ils ont peur.
Pourquoi et de quoi ont-ils peur ?
C'est à eux qu'il faut le demander.
Mais vous devez bien avoir un avis là-dessus...
À mon avis, celui qui a atteint le summum de la démesure est le responsable du FLN, pour avoir tenu des propos d'une violence inouïe dans un journal arabophone mercenaire. Pourquoi d'ailleurs cette sollicitude de nature mercenaire ? Cela veut dire qu'ils ont peur de ce que nous allons dire au président de la République. Et moi je leur dis : vous avez raison d'avoir peur, car nous savons des choses très graves commises contre l'Algérie, son peuple, ses institutions et son indépendance.
Vous parlez de choses graves, de quelles natures sont-elles ?
C'est justement parce que les faits sont graves que nous ne pouvons les porter qu'à la personne du Président. Cependant, je peux vous dire que les institutions de la République sont menacées de disparition.
Vous dites "disparition"... Convenez-vous que le propos pèse lourd ?
J'en suis consciente. D'où notre inquiétude.


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