Pour l'ancien chef du gouvernement, le "pétrole aurait dû être utilisé pour se passer du pétrole". Ce que, regrette-t-il, le pouvoir n'a pas fait, notamment durant les trois premiers mandats de Bouteflika. L'ancien chef de gouvernement, Sid-Ahmed Ghozali (SAG), a été hier la "guest-star" du campus des jeunes du RCD qu'il a agrémenté par une conférence-débat sous le thème interrogatif : "Le pétrole est-il une malédiction ?" Une question sur laquelle il n'a pas trop tergiversé pour répondre que la malédiction est loin d'être cette ressource naturelle qui est un don de Dieu, mais bien le pouvoir politique qui n'a pas su l'utiliser ou plutôt très mal utilisée. "La malédiction, ce n'est pas le pétrole, la malédiction, c'est le pouvoir" a-t-il, avec un brin d'ironie, tranché, allusion au discours propagé par le même pouvoir dans l'objectif de dissimuler ses échecs. Pour lui, le "pétrole aurait dû être utilisé pour se passer du pétrole". Ce que, regrette-t-il, le pouvoir n'a pas fait notamment durant les trois premiers mandats de Bouteflika où les recettes importantes engrangées, estimées à "900 milliards de dollars en 15 ans", n'ont pas servi à grand-chose si ce n'est à honorer les factures des importations tous azimuts et le financement du budget de l'Etat. SAG rappelle que "99% des importations et 80% du budget de l'Etat dépendent des recettes pétrolières". L'ancien chef de gouvernement explique que le pétrole reste une richesse éphémère qui n'est utile que si elle est utilisée de manière rationnelle et transformée en d'autres richesses durables et plus diversifiées telles que le développement des secteurs de l'industrie, de l'agriculture et du tourisme. Or, regrette-t-il encore, "l'incurie du pouvoir en place, incapable de transformer cette richesse éphémère, a fait que notre économie est restée exclusivement dépendante des recettes pétrolières". Pour lui, "il est mortel de dépendre d'une richesse que nous n'avons pas créée". M. Ghozali ne comprend surtout pas "comment il se fait que même avec les 900 milliards de dollars engrangés en 15 ans, l'Etat, sous la gouvernance de Bouteflika, n'a rien fait pour développer une économie diversifiée, alors que l'Algérie a remonté la pente avec seulement 27 milliards de dollars que représentaient les recettes pétrolières durant les 17 années ayant suivi l'Indépendance ?" Il conclut, ainsi, qu'aujourd'hui, ce n'est guère le prix du pétrole qui pose problème, mais bien la mauvaise gestion des affaires du pays. Il accuse l'actuel pouvoir de commettre aux moins trois fautes capitales : "La première c'est de croire à tort qu'il domine toute la société ; la seconde c'est de ne pas respecter la loi dont la Constitution qu'il transgresse chaque fois qu'il en a besoin pour servir ses intérêts ; et la troisième est liée à sa prise de décisions irresponsables." SAG rappelle que Bouteflika, lui-même, avait reconnu les échecs du pouvoir mais sans jamais accuser personne lorsqu'il avait, en 2005, déclaré : "Nous nous sommes cassé le bec mais je n'accuse personne." Tout en alertant que le pays "va droit à la ruine", SAG, qui se joint à l'opposition, estime qu'aujourd'hui tout le monde est arrivé à la "conclusion, juste, que l'actuel pouvoir doit partir et laisser place à une transition démocratique, comme le revendique la coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD)". "Si vous croyez que vous êtes encore en mesure d'apporter des solutions à la crise que traverse le pays, vous vous trompez et cela vous conduira à votre perte", telle est l'autre fléchette de SAG décochée au pouvoir. Poursuivant ses critiques, l'ancien chef de gouvernement n'a pas, par ailleurs, manqué de rappeler à l'ordre le pouvoir qui brandit la carte de la stabilité dans le seul et unique objectif d'assurer sa pérennité. Dans un tout autre registre, SAG n'a pas manqué l'occasion pour revenir sur le scandale de Sonatrach dont la plainte déposée en Italie pour corruption. Il se demande "pourquoi, depuis, le pouvoir algérien ne s'est même pas soucié de se porter partie civile dans cette affaire ?". Il s'en prend également au ministre de l'époque, en l'occurrence Chakib Khelil, sans le citer, à qui il reproche la "malhonnêteté" d'avoir déclaré à l'époque qu'il aurait "appris cette affaire par le biais de la presse". Pour lui, un tel comportement n'est ni plus ni moins qu'une "insulte" au peuple. F. A.