"Si jamais on ne prend pas les mesures nécessaires, le pays risque d'entrer dans une phase de crise profonde d'ici au plus tard 2016", avertit Ahmed Benbitour. La CLTD alerte sur la situation du pays. "Tous les signaux sont au rouge !" ont affirmé, hier, à Alger, les membres de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (Cltd), allusion faite à la situation politique, économique et sociale qui menace, disent-ils, le pays "d'effondrement". "On est au bord d'une crise profonde. Elle s'annonce proche. Si jamais on ne prend pas les mesures nécessaires, le pays risque d'entrer dans une phase de crise profonde d'ici au plus tard à 2016", a lancé, dans un message adressé aux "patriotes jaloux de leur pays", l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, à l'occasion de la première conférence thématique de la CLTD, sur le thème : "Les répercussions de la chute des prix du baril de pétrole". Cette rencontre, qui entre dans le cadre du riche programme d'activités concocté dernièrement par la CLTD, a eu lieu au centre culturel Azzedine-Medjoubi, en présence des chefs des partis membres de la coordination. Chiffres à l'appui, M. Benbitour a remis en cause le bilan du gouvernement et sa politique économique. Selon lui, "la rente exogène (hors de la société), sur laquelle le système se base entièrement, a mené le pays à la stagnation de l'économie et à l'instabilité politique". Du coup, regrette-t-il, le système de Bouteflika a négligé le levier de développement qu'est la diversification de l'économie. Un système accusé aussi d'avoir encouragé la "désintégration sociale". Benbitour a dénoncé, notamment, le budget de gestion très élevé et la facture des importations. "Le budget de gestion représente plus de 50% de la rente générée de l'unique source, à savoir les hydrocarbures, sur laquelle se base à 100% le système, alors que 75% des calories sont importées", a-t-il rappelé, souhaitant que le peuple "prenne (enfin) conscience de la situation dangereuse que traverse le pays". À ce rythme, analyse-t-il, le budget de l'Etat sera automatiquement déficitaire d'ici à 2016. Il se demande ainsi sur "comment le pouvoir compte financer l'économie à partir de 2017 ?". Même son de cloche chez l'ancien ministre du Commerce, El-Hachemi Djaâboub, membre du MSP, qui met en exergue "l'échec du régime et sa politique économique". Rappelant l'importance de la facture des importations de biens de consommation qui est passée de "9 milliards de dollars, en 2000, à 59 milliards de dollars en 2014", M. Djaâboub critique les dernières mesures annoncées par M. Sellal, notamment, celle relative à la licence d'importation que le gouvernement s'attelle à imposer. Selon lui, l'instauration de cette licence ouvrira davantage le champ aux pratiques de "corruption et de favoritisme de certains opérateurs au détriment d'autres". L'ancien ministre du Commerce s'en prend, par ailleurs, à l'Accord d'association avec l'Union européenne qui, selon lui, favorise les 28 pays de l'Union, mais "jamais l'Algérie !". Ce même accord, fulmine-t-il encore, bloquerait même le processus d'adhésion de l'Algérie à l'OMC. La question du gaz de schiste ne préoccupe pas moins les conférenciers de la CLTD qui s'opposent énergiquement au pouvoir qui tient à son projet d'exploration lancé dans le Sud. À ce titre, M. Djaâboub se dit même "choqué" de voir son ancien collègue au gouvernement, en l'occurrence Abdelmadjid Attar, défendre ce projet. "Honnêtement, je suis choqué par ses déclarations. Je m'attendais plutôt à ce qu'il apporte des preuves scientifiques sur les méfaits de cette énergie", a-t-il regretté. Abondant dans le même sens, Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, a rappelé que même les USA ont renoncé au gaz de schiste au vu des coûts très élevés de son exploitation. Se référant aux statistiques établies par les experts, il souligne qu'un seul puits coûterait à l'Algérie pas moins de 70 milliards de dollars, alors qu'aux USA, il serait de 15 milliards de dollars. Dans leurs interventions respectives, les chefs du RCD et du MSP, en l'occurrence Mohcine Belabas et Abderrezak Makri, n'ont pas été tendres avec le régime de Bouteflika qui, déplorent-ils, n'a fait qu'encourager la "corruption et le gaspillage". "On n'a pas profité de la manne financière générée par le pétrole. Le pouvoir l'utilise pour l'achat de la paix sociale, mais jamais pour le développement économique du pays. Et la chute des prix du baril a montré tous les échecs de ce pouvoir", a commenté M. Makri. De son côté, M. Belabas se demande "pourquoi le système a attendu des années pour commencer, enfin, à parler de la nécessité de diversifier l'économie ?" Pour lui, la faillite du système ne date pas d'aujourd'hui mais de 1962 ! F .A.