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Benbitour parle de malédiction du pétrole
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 17 - 05 - 2010

L'ancien chef du gouvernement livre sa vision de la crise politico-économique
Benbitour parle de malédiction du pétrole
Par : Meziane Rabhi, Liberté, 17 mai 2010
L'ancien chef du gouvernement a souligné l'urgence d'une meilleure gestion du secteur pour dépasser l'impasse dans laquelle s'est engouffrée l'économie nationale.
L'économie algérienne est l'archétype de la malédiction des ressources à savoir une économie qui dispose d'un secteur de ressources naturelles (hydrocarbures) tourné vers l'exportation (98% de recettes en devises en Algérie) qui génère de substantielles recettes publiques (75% des recettes en dinars pour le budget) mais qui, paradoxalement, engendre une stagnation économique et une instabilité politique. C'est un pays riche en ressources, mais qui s'appauvrit chaque année malgré cette abondance. C'est ce qu'a relevé le Dr Ahmed Benbitour, ancien chef du gouvernement, lors d'une conférence sur le secteur des hydrocarbures organisée à l'invitation de la fondation Slimane-Amirat. M. Benbitour a souligné l'urgence d'une meilleure gestion du secteur, pour dépasser l'impasse dans laquelle s'est engouffrée l'économie nationale. Très pédagogique, l'ancien chef du gouvernement a expliqué les caractéristiques de l'économie algérienne fragilisée par “la malédiction des ressources”. Selon lui, le chemin vers la stagnation économique, l'instabilité politique et l'appauvrissement se caractérise par au moins cinq éléments. M. Benbitour indique que l'abondance des ressources accroît les anticipations et l'appétit des dépenses. “Les autorités lancent des projets grandioses. Rappelez-vous, nous avons commencé avec un programme de relance de 7,5 milliards dollars. Tout de suite, on a dit qu'il faut un autre programme de soutien de 60 milliards de dollars. D'où les réactions des individus qui veulent des bénéfices sans tarder.” Dans ce contexte, les attentes de la population poussent les pouvoirs publics vers des réponses rapides. Il s'ensuit “des décisions hâtives, inappropriées et mal coordonnées”. L'accroissement des moyens financier fait diminuer la prudence et la vigilance. Par ailleurs, la pression sur l'augmentation à la fois des dépenses et des transferts va augmenter les attentes des gens.
M. Benbitour explique que le défi est de répondre en même temps à la nécessité d'interventions publiques face aux urgences sociales pour le maintien de l'ordre public et la stabilité politique, ainsi que la nécessité de construire des institutions fortes pour la pérennité de la stabilité politique. La première nécessité fait appel au pompier, la deuxième nécessité fait appel à l'architecte. “D'où l'exigence d'un autre niveau de gouvernance et les gouvernants doivent être à la fois pompiers et architectes. C'est loin d'être le cas lorsque vous considérez le profit de nos gouvernants aujourd'hui.” L'ex-chef du gouvernement indique qu'à la fin de la décennie noire, la population avait besoin de deux éléments importants : une politique d'insertion et de participation et la construction d'institutions fortes. “Qu'est-ce qui s'est passé ? Il y a eu un discours populiste”, a-t-il affirmé. “Concernant les institutions, on a fait le contraire. Le parlement, on l'a cassé par les ordonnances. Le Conseil constitutionnel est devenu une institution pour justifier l'injustifiable”, a précisé M. Benbitour, ajoutant que la centralisation et partant de la concentration des moyens budgétaires a induit “des investissements excessifs et imprudents et donc la porte ouverte à la corruption”. Benbitour, cite le cas, du projet de transfert d'eau vers Tamanrasset, sur plus de 740 km en pente, “inimaginable”. C'est aussi le cas de la ville de Hassi Messaoud. Et le dernier : l'organisation du GNL 16. “On a organisé une grande rencontre au moment où le produit connaît de très sérieux problèmes de marché”, regrette-t-il.
L'abondance de ressources encourage la concentration des pouvoirs au sommet
L'ancien chef du gouvernement indique que l'abondance de ressources encourage la concentration des pouvoirs au sommet. “L'accès au pouvoir signifie l'accès à la richesse et la garantie d'une richesse ultérieure. Le soutien politique se construit essentiellement sur le clientélisme autour de réseaux régionaux ou économiques ou d'intérêts particuliers”, a expliqué
M. Benbitour. “C'est alors l'installation des institutions favorables aux profiteurs. D'où l'existence de conflits causés par le sentiment d'injustice qui s'accompagne par la violence sociale des émeutiers, surtout chez les jeunes, et aussi, l'avidité que peuvent susciter les rentes massives et qui se manifeste par la violence terroriste, les rapts, les gangs et les vols”, argumente l'ancien chef du gouvernement. Par ailleurs, les recettes venant de la fiscalité sur l'exportation des ressources naturelles, vont rompre les liens importants entre les citoyens et l'Etat, du fait de l'absence de la fiscalité directe. “Les gens ne se sentent pas impliqués par ce que fait l'Etat. Parce que l'Etat n'a pas besoin d'eux”, estime M. Benbitour, relevant que la dimension politique de la rente se manifeste par une prédisposition, pas nécessairement, à l'autoritarisme. “Le gouvernement utilise les revenus des hydrocarbures pour alléger les pressions sociales qui autrement mèneraient vers des demandes plus importantes d'imputabilité”, explique M. Benbitour. Pour autant, pour M. Benbitour “la malédiction des ressources” n'est pas une fatalité. “Qui dit hydrocarbures, ne dit pas nécessairement malédiction de ressources”, a-t-il affirmé, prenant l'exemple de la Norvège, riche en pétrole, mais qui occupe la première place mondiale dans l'Indice de développement humain (IDH). “C'est parce qu'on a une mauvaise gouvernance des hydrocarbures qu'on va vers la malédiction”, souligne M. Benbitour qui indique que la fin du pétrole, au rythme actuel de production, pourrait intervenir entre 2026 (pour les réserves prouvées) et 2035 pour les réserves probables. “Si on monte 2 millions de barils par jour, la fin du pétrole interviendrait entre 2022 et 2027”, avertit l'ancien chef du gouvernement.


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