L'association des familles des victimes enlevées par les groupes islamistes armés Somoud vient de saisir officiellement le président de la République. Dans une lettre rendue publique, hier, l'organisation de Ali Merabet révèle que les victimes sont conscientes que le chef de l'Etat n'a “aucune responsabilité” dans la tragédie qui a endeuillé l'Algérie pendant une décennie sanglante. Seulement, elle tient à placer sa responsabilité dans l'étape suivante de sortie de la crise, en reprochant à Bouteflika d'oublier et de vouloir oublier “les victimes que nous sommes”. “Notre catégorie de parents des victimes (enlevées par les hordes terroristes armées) est prise en otages par les autorités du pays, que vous dirigez, et qui sont accusées d'avoir une part de responsabilité”, note-t-on en se demandant pourquoi les informations recueillies par Somoud et présentées aux autorités compétentes “n'ont pas été exploitées, afin de soulager les souffrances de nos familles”. Pour l'association, la réconciliation telle que rêvée par le premier magistrat du pays et même par les victimes du terrorisme “ne verra jamais le jour” tant que ces dernières resteront condamnées à vivre dans “le tunnel du deuil”. “Nous avons repris confiance lors de l'installation de la CNCPPDH, et nous avons collaboré avec son président et son secrétaire général ; malheureusement, nous nous sommes heurtés à un double langage”, dira Somoud non sans cacher la déception des familles concernées. À propos de l'amnistie, cette association estime que celle-ci devrait être soumise à l'avis des victimes, en premier lieu, et à “la conscience universelle” ensuite, en réclamant le droit à la parole. “Passer à l'amnistie et, en conséquence, à l'oubli et l'impunité tout court signifie le choix d'une accalmie, par rapport à la paix”, déclare l'association en avertissant des conséquences sur les générations futures. Elle suggère au président Bouteflika d'emprunter la voie de la “justice transitionnelle” qui permettrait aux victimes d'entendre la vérité de la bouche des bourreaux et d'être reconnues en tant que telles pour faire le deuil. “Cette forme de justice permettra enfin à l'Etat de régler une grande partie de la crise et d'épargner nos enfants”, souligne Somoud, consciente de la “complexité” de la situation et de la nécessité d'obliger les “bourreaux repentis” à demander pardon. L'association des familles enlevées par les groupes islamistes armés saisit enfin l'occasion de l'approche de l'Aïd pour demander “une petite pensée” pour les victimes, le jour de la fête religieuse. H. A.