Le tour est joué (ou presque) en France, même s'il faut attendre la seconde phase des régionales qui aura lieu dimanche 13 décembre. Mais il est plus qu'évident aujourd'hui que le Front national confirme de plus en plus son ancrage, à la faveur d'une conjoncture politique, économique et sécuritaire qui nourrit la peur des Français. La victoire du Front National au premier tour des régionales qui a eu lieu dimanche, en remportant six régions sur treize, a ébranlé la France et provoqué une véritable onde de choc dans toute l'Europe. Le parti d'extrême droite français est arrivé premier dans 6 régions sur 13, avec 28,14% des voix, devant les Républicains (27%) de Nicolas Sarkozy, dont le discours trop à droite a beaucoup contribué à la percée du FN dans plusieurs régions de France, puis le Parti socialiste du président François Hollande (23%). Les plus grands scores du FN ont été obtenus par sa présidente Marine Le Pen dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (40,64%), sa nièce Marion Maréchal Le Pen dans la Provence-Alpes-Côte d'Azur (40,55%) et celui qui est considéré comme le stratège du parti, Florian Philippot, dans la région Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine (36,06%). Comment on en est arrivé là ? Certes, la conjoncture économique difficile, avec un nombre de chômeurs au-dessus des 3 millions, a déterminé le choix de nombreux électeurs, notamment chez les jeunes et les ouvriers dont 55% ont voté pour le FN. Mais ce sont surtout les attentats terroristes de Paris, revendiqués par l'Etat islamique, le 13 novembre dernier, qui ont permis au Front national d'engranger davantage de voix. La campagne hostile à l'accueil des réfugiés syriens, au milieu desquels s'étaient glissés deux des auteurs des attaques de Paris, a eu son effet sur le choix des électeurs. En effet, toutes les conditions sont réunies pour une avancée significative du Front national sur le terrain des Républicains et des Socialistes, dont le discours diabolisant le parti fondé par Jean-Marie Le Pen est éclipsé par leur gestion catastrophique du pays ces trente dernières années. "Il ne fait pas de doute, en effet, que la responsabilité des partis qui gouvernent la France depuis des lustres est lourdement engagée. Ils en subissent, aujourd'hui, la sanction", a tranché le quotidien du soir Le Monde dans son éditorial. "L'évidence est qu'elles ont été, l'une et l'autre (la gauche et la droite, ndlr), incapables d'apporter des réponses à la hauteur des enjeux et des dangers", a expliqué l'éditorialiste du journal Le Monde. Pour les voisins européens, les régionales de dimanche sont motif à inquiétude dans une Union européenne fragilisée par la crise économique et la crise des réfugiés venant du Proche-Orient. Car, la prochaine présidentielle française est à moins de deux ans de ces régionales que le presse du voisin allemand a qualifiées d'"un désastre pour la France". La raison, c'est que "de plus en plus de Français donnent sa chance au FN : non plus pour protester (contre le gouvernement en place, ndlr), mais par conviction désespérée et farouche", note un autre canard allemand la Süddeutsche Zeitung. Pour Marine Le Pen, ces régionales sont comme un dernier virage avant la présidentielle de 2017. La présidente du FN se voit depuis dimanche soir dans la peau du futur chef d'Etat français, ce pourquoi, les partenaires de la France à Bruxelles craignent pour l'avenir de l'Union européenne. Avec sa politique hostile à l'usage de l'euro, à l'ouverture des frontières dans le cadre des accords Schengen, pour ne citer que ces deux points, Marine Le Pen n'hésitera pas un seul moment, si elle venait à être élue présidente en 2017, de mener la France sur la voie de la sortie de l'UE. Et ce sera le pire des scénarios. L.M.