Pour le professeur Aberkane, "la soif du pouvoir, la ghettoïsation du FFS et la médiocrité ont eu raison de ses ailes de géant". Hocine Aït Ahmed est décédé, mercredi, à Genève, en Suisse. Tout le monde s'y attendait plus ou moins. La classe politique s'y était aussi préparée. Mais après la nouvelle, les esprits se sont figés pendant un court instant avant d'accepter la nouvelle. Pour beaucoup, il n'est pas mort. Il ne peut pas l'être. "Lui, qui a toujours cru en une Algérie libre et démocratique, lui prédisant un destin glorieux à la hauteur de son peuple", nous dit Khaled, fils de chahid, rencontré jeudi dernier, dans la commune d'El-Khroub, où le FFS a réussi à arracher 11 sièges sur les 33 que compte l'Assemblée, aux dernières élections locales. "Il était l'empêcheur de tourner en rond, il avait le mérite de n'avoir jamais renoncé à ses principes et continuait, malgré la maladie qui l'affaiblissait de jour en jour, à militer", rajoute notre interlocuteur. Si elle n'est pas satisfaite de la politique "algérienne", la génération des 20 ans, qui n'a pas vécu la Révolution, ni connu les affres du terrorisme des années 1990, et que nous avons rencontrée, ce jour-là, au détour de la rue jouxtant l'APC d'El-Khroub, n'en est pas moins intéressée. "Il aurait fallu lui rendre hommage quand il était vivant, il fallait l'écouter", nous lance Ahmed, un jeune étudiant en droit à l'université Mentouri de Constantine. Et d'ajouter : "Huit jours de deuil national ne vont rien effacer. Cette fois, il sera difficile au pouvoir en place de se glisser dans le costume du héros national." Le héros, c'était Hocine Aït Ahmed. Hé oui, "l'Algérie a encore perdu". "Il était d'abord et avant tout un opposant avec tout ce que cela comporte comme obligations et contradictions." Dans la rue, on pense toujours que celui qu'on appelait Dda L'Hocine continuera à être une source d'inspiration et que son héritage marquera encore l'Algérie pour les décennies à venir. À Constantine, l'émotion ayant suivi la mort de Hocine Aït Ahmed a eu des effets dans les rangs du parti du FFS. Mme Hamrouche, députée FFS, était en route pour la commune de Didouche-Mourad, à quelque 30 km au sud de la wilaya, dans le cadre de la campagne pour les sénatoriales, lorsqu'elle a appris la nouvelle. Pour elle, "la mort de Hocine Aït Ahmed est non seulement une grande perte pour le parti, mais aussi pour toute l'Algérie". Pour le Pr Abdelhamid Aberkane, P/APC (FFS) d'El-Khroub, feu Hocine Aït Ahmed était "une figure légendaire dans la fresque de la Libération nationale et le destin contrarié d'un homme de principes qui était en avance sur son temps que ce soit pour l'exercice du pouvoir dès 1962, l'identité nationale ou la réconciliation et les droits de l'Homme". Il poursuit avec ces mots cinglants : "La soif du pouvoir, la ghettoïsation du FFS et la médiocrité ont eu raison de ses ailes de géant." Cette image, décrite par le maire d'El-Khroub, n'est pas propre au FFS. En effet, en plus d'être dépouillée de son influence, notamment depuis l'arrivée du président Abdelaziz Bouteflika, son quatrième mandat, l'opposition est minée par les luttes intestines, divisée, devenue presque inaudible. Elle est en pleine déprime. "L'opposition n'avait pas besoin de la mort de son leader, de sa figure emblématique", s'accordent à dire les Constantinois. Encore moins en cette période trouble de l'Algérie, marquée par une crise multidimensionnelle. L. N.