Cinq années après la chute du dictateur Zine Al-Abidine Ben Ali et de son régime, qui a fui le pays après un soulèvement populaire, les Tunisiens font face à une double crise économique et sécuritaire, causée par le terrorisme qui a porté un coup fatal au tourisme, principale source de revenus du pays. La situation difficile que traverse le pays, où le chômage et la pauvreté connaissent de forts taux, n'a pas encouragé les Tunisiens à fêter avec faste ce cinquième anniversaire de la fuite de Zine al-abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011, après un mois de manifestations réprimées dans le sang. Certes, ils étaient des milliers à répondre à l'appel des partis politiques et des associations pour commémorer l'événement qui a permis à la Tunisie de devenir une démocratie, mais la célébration s'est faite de manière très sobre. Aujourd'hui, le constat est que la démocratie est belle et bien présente en Tunisie, qui s'est dotée, désormais, d'institutions démocratiquement élues, de l'avis de tous les observateurs, mais la situation est loin d'être reluisante. La reconstruction du pays a été freinée par le phénomène du terrorisme islamiste qui a considérablement réduit, voire tari, la manne financière qu'assurait, jusque-là, le tourisme. Ce secteur stratégique a été mis à mal par une série d'attaques terroristes. Les attentats les plus sanglants, dont celui du 18 mars 2015, lorsque 21 touristes étrangers et un policier tunisien ont été tués au musée du Bardo à Tunis, l'attaque le 26 juin contre l'hôtel Riu Imperial Marhaba près de Sousse, qui avait fait 38 morts, dont 30 Britanniques, et l'attentat suicide du 24 novembre en plein Tunis, tuant 12 membres de la garde présidentielle, ont inévitablement conduit les tour-operators à faire de la Tunisie, une destination non recommandée. Il est évident que cette situation très difficile à gérer allait causer des problèmes aux dirigeants du pays. Elle a pour conséquences de miner certains partis politiques, à commencer par la formation islamiste d'Ennahdha, de Rached Ghannouchi, portée au pouvoir au début de la transition politique. Son incapacité à apporter des solutions aux problèmes quotidiens des Tunisiens a fini par lui faire perdre du terrain sur la scène politique. Idem pour le président sortant, Moncef al-Marzouki, qui n'a pas réussi à se faire réélire, car affaibli par le duel livré au gouvernement islamiste dirigé par Ennahdha. Sa popularité s'est effritée parce qu'il était pieds et poings liés face à la gestion des cabinets islamistes de Hamadi Jebali et Ali Larayedh. Profitant du recul d'Ennahda, le cacique Béji Caïd Essebsi crée un nouveau parti politique Nidaa Tounes. Celui-ci remporte d'abord les élections législatives, le 26 octobre 2014, avant de porter Béji Caïd Essebsi à la magistrature suprême deux mois plus tard. Mais, composée de personnalités venues de courants hétéroclites, cette formation politique est, aujourd'hui, à l'agonie pour une question de leadership. Ce sont là les retombées d'une gestion difficile de cinq années de démocratie, dans un pays qui a été géré, pendant plus d'un demi siècle, d'une main de fer par Habib Bourguiba et son successeur Zine al-abidine Ben Ali, emporté, lui, par une insurrection populaire, qu'il n'a pas vu venir. Merzak Tigrine