Se saisira-t-on de cette commémoration pour enclencher une nouvelle polémique entre clans, à l'image de celle née suite au décès de l'autre historique, Hocine Aït Ahmed, et qui oppose Khaled Nezzar et Mohamed Betchine ? Il y a vingt-quatre ans, Mohamed Boudiaf, l'un des pères de la Révolution, revenait en Algérie pour présider à ses destinées durant la plus difficile période vécue par le pays depuis son indépendance. La commémoration intervient, cette année, dans un contexte particulier, marqué par la mort d'un autre historique, Hocine Aït Ahmed, mais surtout la polémique autour de la prétendue (ou vraie) proposition faite à ce dernier de prendre les rênes du pouvoir, en 1992. Selon Nacer Boudiaf, le fils du président assassiné en juin 1992, son père aurait d'abord refusé de retourner au pays. Mais l'entrée en lice de son épouse, au cours des négociations avec l'émissaire des "décideurs" de l'époque, Ali Haroun, a fini par lui faire changer d'avis. Nacer Boudiaf insiste sur le fait que ce fut Khaled Nezzar qui avait insisté auprès d'Ali Haroun pour ramener Mohamed Boudiaf à Alger. "Débrouille-toi. Nous n'avons personne d'autre", aurait dit Nezzar à Haroun. Le fils de Boudiaf affirme que son père avait des différends avec le ministre de la Défense de l'époque, Khaled Nezzar, alors que ce dernier nie en bloc ces accusations. Au contraire, Khaled Nezzar impute indirectement l'assassinat de Boudiaf à l'imprudence de ce dernier qui aurait, selon le général, décidé de confier l'organisation de son voyage à Annaba (où il fut assassiné) à une personne inexpérimentée, en tout cas, inconnue de ses services. Khaled Nezzar s'accroche à la thèse officielle, celle de "l'acte isolé", selon laquelle Lembarek Boumaârafi serait l'unique responsable de l'assassinat de Mohamed Boudiaf, soulignant que les liens de ce sous-lieutenant du GIS avec l'ex-FIS étaient avérés. 24 ans après, la polémique est toujours de mise, sans que l'on sache exactement qui dit vrai dans cette histoire. Mais, contrairement au cas Aït Ahmed, les circonstances du retour et d'exil de Boudiaf ne suscitent pas la même fébrilité, et beaucoup d'acteurs de l'époque préfèrent se taire, histoire, peut-être, de ne pas remuer le couteau dans la plaie encore béante. Mohamed Boudiaf, l'un des artisans de Novembre 54, qui vivait en exil au Maroc depuis sa sortie de prison où il avait été jeté par Ben Bella, a réussi, en l'espace de six mois, à redonner espoir à un pays en proie à la plus grave crise vécue depuis l'époque. En l'assassinant, on ne faisait alors qu'aggraver cette crise politique dans laquelle le pays se débattait. La commémoration du 24e anniversaire de son retour au pays pour présider le Haut-Comité d'Etat (HCE), revêt un cachet particulier cette année, avec la polémique née suite à la mort de Hocine Aït Ahmed, une autre figure historique, concernant une période charnière de l'histoire de l'Algérie : l'arrêt du processus électoral, la démission du président Chadli Bendjedid et le vide qui en a résulté, alors qu'en face se profilait la menace terroriste qui allait endeuiller le pays une décennie durant. Azzeddine Bensouiah