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Vingt ans après l'assassinat de Mohamed Boudiaf
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Publié dans El Watan le 15 - 01 - 2012

Nacer Boudiaf en quête de la vérité Je viens vous parler d'un homme fasciné par l'Algérie et qui a fasciné l'Algérie.» Une soirée grave et émouvante que celle de jeudi dernier au cours de laquelle Nacer Boudiaf a – à la faveur de la présentation de son livre Boudiaf.
Paris.
De notre correspondante
L'Algérie avant tout (éditions Apopsix) – évoqué l'assassinat de son père, le 29 juin 1992 à Annaba, et sa quête pour que vérité et justice soient faites, devant un auditoire attentif. «La vérité sur le lâche assassinat de Mohamed Boudiaf fonctionnera comme une thérapie pour les Algériens. Si on arrive à savoir ce qui s'est passé, l'Algérie redémarrera sur de bonnes bases. Ils ont commis un parricide», affirme Nacer Boudiaf.
«Il faut que les Algériens sachent par qui et pourquoi il a été assassiné. Ce n'est pas un acte isolé. Et si la justice algérienne ne rouvre pas le dossier, j'irais, avec ma famille, devant la justice internationale.» Nacer Boudiaf annonce qu'il lancera très prochainement une pétition pour la vérité sur l'assassinat de son père. «On verra alors si Ali Haroun et Ahmed Djebbar, qui se disaient les amis de mon père, la signeront. Ali Haroun a bien signé la pétition en faveur du général Nezzar, pourquoi ne le ferait-il pas pour que la vérité sur l'assassinat de Boudiaf soit faite ?» «En 2001, j'ai commencé à interpeller les hauts responsables de l'époque. J'ai demandé à Sid Ahmed Ghozali, alors Premier ministre, son témoignage. Dans un journal du Proche-Orient, il a déclaré que j'étais manipulé par Bouteflika et m'a accusé de faire du sang de mon père un fonds de commerce. J'ai interpellé Ali Haroun, il n'a pas répondu. Je me suis tourné vers la commission d'enquête. La veille du troisième jour de l'enterrement de mon père, je suis passé à la télévision où j'ai dit que ceux qui ont fait revenir mon père l'ont tué. Le lendemain, le général Nezzar, qui était présent à la veillée mortuaire, demande à me voir et me promet que les assassins de mon père seront démasqués. J'attends toujours. Je l'ai interpellé par lettre ouverte», raconte Nacer Boudiaf.
«Avez-vous interpellé le président Bouteflika ?», lui est-il demandé. «Non. Il a essayé de rouvrir le dossier il y a deux ans, il n'a pas pu. Si je recueille un million de signatures, j'irais moi-même les déposer à la présidence.»
Et cette question : votre présence au CCA la doit-on au courage de Yasmina Khadra (directeur) ou au fait que Bouteflika ait des difficultés avec les généraux ? «Je remercie Khadra pour cette invitation, il a des principes et moi les gens à principes je les adore.» «Dans ce combat que j'ai engagé dès 1992, seul le peuple me soutient.»
Nacer Boudiaf raconte que le président du HCE avait constitué une équipe de jeunes officiers qu'il envoya enquêter à Paris sur les avoirs de hauts responsables algériens pour faire face à la gangrène de la corruption, qu'il avait appelée publiquement «la mafia politico-financière». «Après leur retour à Alger, ils ont tous été assassinés.» «Mon père était conscient du danger qui pesait sur lui, il ne voulait pas reculer. Il disait : ‘Si je suis rentré en Algérie c'est pour être utile à mon pays'. C'est sa confiance qui l'a fait assassiner. Il a fait confiance à ceux qui l'ont fait revenir et qui lui ont assuré qu'il serait en sécurité. En Algérie, il ne connaissait personne, lui qui en avait été chassé en 1963.»
Nacer Boudiaf revient aussi longuement sur le voyage à Annaba qui a été fatal au Président. Il se demande : «Pourquoi des ministres qui auraient dû l'accompagner n'ont pas fait le déplacement comme le ministre de l'Intérieur Larbi Belkheir et la ministre de la Jeunesse et des Sports Leïla Aslaoui, directement concernée, car le président Boudiaf devait inaugurer un salon consacré aux jeunes et les rencontrer ?» «Dans la salle de conférences à Annaba, c'était la débandade. Boudiaf n'était pas correctement protégé.» «Déjà à son arrivée à l'aéroport, il n'avait pas de sécurité, n'importe qui pouvait l'approcher. Son garde personnel n'était pas à sa place.» «Plus tard, une journaliste du Matin m'a dit qu'elle avait vu de la place où elle se trouvait un cadavre derrière le rideau situé dans le dos de mon père. Les responsables de la sécurité étaient restés dehors à fumer.»
Et «Personne ne peut certifier que c'est Boumaârafi qui a tiré sur mon père. Il y avait un deuxième tireur parce que lorsque j'ai vu le corps de mon père, allongé sur une civière, il avait un grand trou dans le thorax, or Boumaârafi était derrière lui, caché derrière le rideau. Le cadavre vu par la journaliste du Matin c'est celui du deuxième garde. Des témoins gênants ont été écartés. On a présenté Boumaârafi comme un islamiste, la veille il avait été vu à la discothèque de l'hôtel Seybouse en train de consommer de l'alcool.»
«Le procès a été une mascarade, Boumaârafi lui-même avait dit que c'était une pièce de théâtre. On a jugé l'assassinat d'un historique comme s'il s'agissait d'un fait divers.»
Nacer Boudiaf raconte que pour son retour en Algérie le 16 janvier 1992 après 28 ans d'exil, son père avait préparé un discours. A son arrivée, les hauts responsables qui l'attendaient lui tendent un texte. Il répond qu'il a le sien. Ils lui demandent s'ils peuvent le lire. Il leur tend son texte. Les hauts gradés lui demandent de retirer une phrase par laquelle mon père écrit : «Je tends la main à tous les Algériens.» Il refuse. Quant aux camps du Sud et aux internements à tout-va «c'était pour saboter mon père».
Concernant le HCE, «mon père m'avait raconté que les autorités françaises avaient une liste de personnalités susceptibles être à la tête du HCE, il n'y avait pas son nom. Tous les opposants, après Octobre 1988, étaient rentrés sauf Mohamed Boudiaf. Mitterrand avait demandé : pourquoi Boudiaf à la tête du HCE ? Il était contre le retour de mon père, qu'il connaissait très bien». Et aussi : «Quand le président Mitterrand s'est prononcé contre l'interruption du processus électoral, mon père avait dit à l'ambassadeur de France qui l'avait convoqué que l'Algérie de papa c'était fini». Et le fils de rappeler que jusqu'à son retour, le 16 janvier 1992, Mohamed Boudiaf était interdit d'entrée en Algérie. La PAF avait conservé en effet une fiche de police d'interdiction d'entrée sur le territoire national.


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