Trois verdicts uniquement ont été prononcés dans l'affaire Moretti par le tribunal criminel de Blida jeudi dernier. Les jugements de condamnation à mort par contumace ont ciblé trois des agresseurs, actuellement en fuite, de Mehdi Sari, séquestré et torturé dans l'une des villas de la résidence balnéaire en octobre 2004. Six inculpés présents à la barre, parmi eux Amine Melzi, sont retournés quant à eux en prison. Leur sort sera fixé à l'issue d'un autre procès dont la date n'est pas encore déterminée. Le report de l'audience est intervenu au terme d'une bataille juridique qui a opposé la présidente du tribunal et les avocats de la partie civile. Les “entorses” à la loi constatées par les défenseurs du jeune Sari dans l'application de la procédure ont fini par vaincre la résistance de la magistrate et du jury. Pour cause, la fixation de la date de l'audience par le parquet, en dépit de la contestation des faits par la famille, est en soi une anomalie. Rejetant l'arrêt de la chambre d'accusation (elle a supprimé deux chefs d'inculpation ayant trait à la tentative d'assassinat avec préméditation et au guet-apens ainsi que l'association de malfaiteurs), les parents de Mehdi et ses avocats ont interpellé la Cour suprême où ils ont déposé en date du 13 juin une déclaration de pourvoi en cassation. La cour leur a accordé un délai d'un mois, soit jusqu'au 13 juillet pour présenter leur mémoire. “À notre grande surprise, l'affaire a été programmée pour le 7 avant l'expiration du délai”, relève Me Rédha Bekkat. Pis, le jour de l'audience, il apprend tout comme l'ensemble du collectif de la bouche de la présidente, que la cour suprême en date du 22 juin a jugé irrecevable la déclaration de pourvoi en cassation avant même de lire le mémoire. Brandissant cette décision comme un motif suffisant à la tenue du procès, la magistrate est d'abord inflexible. Elle se montre insensible aux arguments de la défense de Mehdi Sari, l'obligeant à quitter la salle. Face à cette désertion inattendue, elle se retire à son tour pour se concerter avec les membres du jury sur les suites à donner au procès. Finalement, le tribunal se résout au report de l'audience à une date indéterminée. “C'est une décision très sage”, commente Me Bekkat. En revanche, il accuse la Cour suprême de “graves irrégularités”. En vertu du code de procédure pénale, la partie civile avait un délai d'un mois pour déposer son mémoire. Or, la cour des cours a tranché avec une célérité suspecte, sur une simple déclaration et sans connaître avec exactitude les motivations des plaignants. Elle n'a même pas pris la peine de les aviser. “Elle a décidé seule et ordonné au tribunal de Blida de faire passer l'affaire”, observe Me Bekkat. “Nous avons réussi à ramener la présidente à la raison. Cela est une victoire du droit car ni les interventions, ni le travail des coulisses n'ont marché cette fois-ci”, soutient encore l'avocat. Pour avoir impliqué le fils du directeur de la résidence officielle du Sahel, l'affaire Moretti a eu un grand retentissement médiatique. Au lendemain du drame, la gendarmerie nationale avait pris l'affaire en main et procédé à une dizaine d'interpellations. Une partie des mis en cause a été placée en détention provisoire. Une sombre histoire de fille serait à l'origine de cette expédition punitive. Samia Lokmane