"L'année 2015 marque un retournement de tendance de l'investissement dans l'amont pétrolier après un cycle haussier de plus d'une décennie", a indiqué l'Institut français du pétrole (IFP Energies nouvelles) qui vient de publier son rapport annuel sur l'évolution des investissements en 2015 dans le domaine des hydrocarbures. L'ex-Institut français du pétrole explique que "le facteur principal de ce retournement est, de toute évidence, la chute des prix du pétrole depuis la mi-2014". Mais, note-t-il, dès le début de l'année 2014, de nombreuses compagnies internationales annonçaient une réorientation de leur stratégie, privilégiant la discipline budgétaire et la rentabilité par rapport à la croissance. La baisse des prix du brut n'a donc fait qu'accélérer et amplifier une évolution déjà à l'œuvre. L'IFP Energies nouvelles relève que les investissements en exploration-production ont été multipliés par six depuis 1999, avec une croissance ininterrompue à l'exception de l'année 2010, où les investissements avaient chuté à la suite d'une baisse brutale des prix du pétrole, et de l'année 2002 où ils avaient stagné. Après une hausse modeste de 3% en 2014, faisant suite à quatre années de croissance forte (+60% entre 2009 et 2013), les investissements en exploration-production devraient chuter de 21% en 2015 pour s'établir à environ 540 milliards de dollars, en recul de plus de 140 milliards de dollars par rapport à l'année dernière. "La tendance baissière devrait se poursuivre en 2016" prévoit l'IFP Energies nouvelles, indiquant que les premières indications données par les compagnies permettent d'envisager, à ce stade, une réduction supplémentaire d'environ 10% des budgets d'investissements en l'absence d'évolution significative des perspectives sur le prix du baril et sur la demande pétrolière. L'ex-Institut français du pétrole rappelle qu'avant même la chute du prix du brut, un ralentissement, voire un recul de l'investissement, était déjà anticipé dans certaines régions, notamment en Europe et en Océanie. Les chiffres révisés, pour l'année 2014, montrent que la baisse des investissements avait déjà commencé dans quatre régions du monde : l'Europe (-7%), la CEI (-7%), l'Asie-Pacifique (-5%) et l'Amérique latine (-2%). À l'exception du Moyen-Orient, toutes les régions du monde subissent une nette baisse des investissements, avec cependant des différences régionales assez marquées. En Amérique du Nord, les investissements subissent de plein fouet la baisse des cours du pétrole qui met à mal la rentabilité des gisements. Les hydrocarbures de schiste sont particulièrement affectés du fait d'un cycle d'investissements plus court que celui des hydrocarbures conventionnels, le déclin rapide de la productivité des puits nécessitant un flux continu d'investissements pour maintenir le niveau de production. Le nombre de puits forés a chuté de façon spectaculaire outre-Atlantique, l'année dernière, enregistrant une baisse de près de 50% aux Etats-Unis comme au Canada, illustrant la forte réactivité des opérateurs nord-américains. Au niveau de la Communauté des Etats indépendants (CEI), les investissements devraient baisser de 21% cette année, après une baisse de 7% en 2014. Ils pâtissent non seulement de la baisse du prix du baril, mais aussi des sanctions américaines et européennes ainsi que de la baisse de la demande gazière dans les principaux marchés d'exportation de Gazprom. Les investissements de ce dernier sont attendus en baisse de 22%, en incluant sa filiale Gazprom Neft, tandis que ceux de Rosneft, l'autre géant régional, devraient baisser de 13%. Le Moyen-Orient est la seule région qui devrait connaître une croissance en 2015, estimée à 3% environ. Cependant, les investissements stagnent en Arabie saoudite où Saudi Aramco a ralenti le développement de nouveaux projets pétroliers en réaction à la baisse des prix du pétrole tout en continuant à investir dans les champs de gaz, pour faire face à une demande galopante. L'IFP Energies nouvelles indique que le Brent s'est établi à 52 dollars le baril en 2015, en retrait de 47% par rapport à 2014 (99 dollars le baril). "Sur la base des marchés à terme, les anticipations pour 2016 évoluent entre 30 et 60 dollars le baril depuis août 2015", note l'institut français, envisagent "un début de rééquilibrage du marché fin 2016 qui pourrait se traduire par une pression progressive sur le prix". Meziane Rabhi