La Tunisie est sur le qui-vive depuis des semaines, en raison des craintes qu'alimente la possibilité d'une intervention étrangère en Libye contre l'expansion de l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (EI/Daech). Après avoir construit un mur de sable sur plus de 200 kilomètres de sa frontière avec la Libye, le gouvernement tunisien a annoncé, hier, la mise en place de commissions régionales dans le sud-est du pays pour parer à tous les développements de la situation chez son voisin libyen. "En prévision du développement de la situation en Libye et de ses conséquences, le chef du gouvernement, Habib Essid, a autorisé les gouverneurs des régions du Sud-Est à former des commissions régionales", a indiqué le gouvernement dans un communiqué, repris par l'agence officielle la TAP. "Ces commissions (...) auront pour mission d'élaborer un plan d'action à l'échelle de chaque gouvernorat pour mieux se préparer à toute éventualité et à parer à toute situation exceptionnelle", a ajouté la même source. La Tunisie craint, en effet, tout débordement sécuritaire sur son territoire, en cas d'intervention armée, à laquelle elle s'est ouvertement opposée, il y a quelques jours. "Nous sommes informés que les Libyens se préparent, peut-être, à certaines interventions étrangères et à des bombardements pour lutter contre Daech", avait, en effet, déclaré le président tunisien Béji Caïd Essebsi, lors d'une cérémonie à Tunis. "Je dis, et très clairement, aux amis qui pensent à cela de ne pas penser seulement à leurs intérêts. De penser aux intérêts des pays voisins et au premier rang de la Tunisie", avait-il ajouté, expliquant qu'"avant tout acte de ce genre, s'il vous plaît, consultez-nous, parce qu'il peut vous servir mais nous porter atteinte". Le blocage du processus de paix onusien en Libye, à cause d'un profond conflit autour du portefeuille de la Défense dans le futur gouvernement d'union, a renforcé la thèse d'une nouvelle intervention étrangère dans ce pays, où Daech serait sur le point de prendre le contrôle de larges territoires, comme il l'a fait en Irak et en Syrie, selon les services de renseignements occidentaux. Affaibli en Syrie, par les frappes russes, Daech aurait l'intention de s'implanter en Libye, ont expliqué les mêmes sources. La probable présence en Libye de l'un des chefs sanguinaires de cette organisation, Abou Omar al-Tchichani (le Tchétchène), plus connu sous le surnom de "l'homme à la barbe rousse", tend à favoriser ce scénario d'une intervention dans ce pays, alors que les pays voisins, dont l'Algérie et l'Egypte, s'y sont publiquement opposés. Le président du Conseil présidentiel, Faïz Serradj, devait rencontrer hier, en fin de journée, à Munich (Allemagne) le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, et le président du Parlement de Tobrouk, Akila Salah, pour tenter de trouver un terrain d'entente et d'éviter la solution militaire étrangère qui serait fatale pour la Libye et les pays de la région. Car, le gouvernement d'union ne peut prendre ses fonctions que s'il est approuvé par le Parlement de Tobrouk, internationalement reconnu. Les députés de Tobrouk avaient déjà rejeté, fin janvier, le premier Exécutif, issu de l'accord de paix de Skhirat (Maroc), sous-prétexte que son effectif était pléthorique. Lyès Menacer