Le gel de la production décidé à Doha est insuffisant pour résorber l'excès de l'offre et pousser les prix à la hausse, observe Francis Perrin, expert international. De grosses incertitudes pèsent sur l'évolution des prix du pétrole d'ici à fin juin 2016. En effet, il convient de souligner que l'accord de Doha porte sur un gel de la production à son niveau de janvier par les acteurs influents sur le marché pétrolier : l'Arabie saoudite, la Russie, le Venezuela et le Qatar et non sur une réduction de leur production. Le marché pétrolier, pour cette raison n'a pas réagi de manière très forte à cette annonce. Les cours se stabilisent autour de 30 dollars. Plus précisément, le Brent, la variété de brut de la Mer du Nord, la référence pour l'Algérie valait hier 33 dollars le baril. Ce qui fait dire à Francis Perin, spécialiste des questions énergétiques : "Le gel de la production décidé à Doha par les quatre pays précités n'est pas suffisant pour résorber l'excédent de l'offre pétrolière et donc pousser les prix à la hausse. Pour résober l'excédent de l'offre sur la demande, il faut une véritable réduction de la production et pas un gel au niveau fort élevé de janvier 2016." Mais ne faisons pas la fine bouche. L'accord de Doha constitue un pas positif vers une réduction de la production Opep et non Opep "C'est un signal positif aux marchés. Outre l'Arabie saoudite, le membre le plus influent de l'Opep, la Russie est le premier producteur de pétrole hors Opep, tandis que le Venezuela dispose des réserves de brut parmi les plus importantes de la planète", analyse Mourad Preure, expert international. Francis Perrin abonde dans le même sens : "L'existence d'un accord entre ces quatre pays dont trois des plus grands producteurs mondiaux (Russie, Arabie saoudite et Venezuela) est un élément positif. Cela peut contribuer à terme à créer une dynamique si d'autres pays se joignent et si cela permet de déboucher sur une diminution de la production pétrolière", a-t-il ajouté dans un entretien accordé hier à l'APS. En ce sens, les efforts se poursuivaient hier en vue de convaincre d'autres pays à s'aligner sur l'accord de Doha. En effet, les ministres du Pétrole de l'Iran et de l'Irak, du Venezuela et du Qatar se sont réunis hier pour convenir d'un gel de la production. Mais Francis Perrin est sceptique . "Cela paraît peu probable que l'Iran et l'Irak se joignent à cette initiative", a-t-il affirmé, surtout s'agissant de l'Iran qui veut récupérer ses parts de marché qu'il a perdues à la suite des sanctions occidentales inhérentes au nucléaire iranien. D'ailleurs, à la veille de la réunion, l'Iran a réitéré sa position . "L'Iran ne renoncera pas à son quota malgré la surabondance de l'offre" avait déclaré le ministre iranien du Pétrole. À l'issue de la réunion, le ministre iranien a déclaré que l'Iran soutenait toute mesure visant à stabiliser le marché sans, toutefois, afficher explicitement l'intention de ce pays d'appuyer par des actes l'accord de Doha. Quant à l'Irak, "il considère qu'il a subi depuis de nombreuses années l'embargo. Son quota est fixé hors Opep", précise Mourad Preure. Francis Perrin ajoute que ce pays a engagé avec plusieurs grandes compagnies internationales des projets de développement ou de redéveloppement de très grande taille et entend continuer sur cette voie. Selon lui, le prix qui satisfait les producteurs se situe entre 60 et 80 dollars. Mourad Preure est plus optimiste. Il considère que les prix du pétrole seront en hausse le troisième trimestre, voire au quatrième trimestre 2016. "Car un pays comme l'Arabie saoudite est aussi affecté par cette baisse des prix du pétrole avec un déficit de 90 milliards de dollars. Il a commencé à vendre les actions de la compagnie pétrolière nationale Aramco. Il veut prôner aujourd'hui une politique de défense des prix et abandonner celle des parts de marché. C'est d'ailleurs l'avis de plusieurs experts de l'Institut français du pétrole. Francis Perrin, lui, considère que la position de l'Arabie saoudite se résume à réduire la production si les pays non-Opep imitent ce geste. En fin de compte, on en est à une demi-mesure qui, à l'heure où nous écrivons, n'a même pas obtenu l'adhésion de l'Iran, de l'Irak et des autres pays non-Opep. On n'en est pas à une réduction de la production seule susceptible de pousser les prix vers la barre des 50 ou de 60 dollars. Aujourd'hui, il y a trop de pétrole sur le marché. Les stocks ont atteint des records historiques. L'accord de Doha pourrait stabiliser les cours autour de 30 dollars d'ici à juin, en l'absence d'un consensus sur la réduction de la production en vue d'augmenter les prix du pétrole. Au-delà, tout dépendra du couronnement de ces efforts, en particulier de l'attitude de l'Iran, de l'Irak et des autres pays non-Opep. K. Remouche