Cinq années après le déclenchement du mouvement insurrectionnel qui a conduit à la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi, en octobre 2011, la Libye est toujours plongée dans le chaos total. La crise libyenne a bouclé hier cinq ans. Les idéaux de "la révolution du 17 février" ne sont aujourd'hui qu'une chimère au sein d'un peuple libyen désemparé et un pays à la croisée des chemins. En effet, à chaque fois que les choses semblent évoluer favorablement pour la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, à même de rassembler les Libyens, les espoirs sont refroidis par le refus d'une ou de plusieurs parties d'avaliser les projets d'accords conclus. Cette fois-ci encore, deux mois, jour pour jour, après la signature de l'Accord de Skhirat (Maroc), sous l'égide de l'Onu, des désaccords opposent certains acteurs politiques, militaires et tribaux sur la composante du gouvernement formé par le président du Conseil présidentiel, Faïz Serradj. Désigné par le chef de la mission onusienne en Libye, Martin Kobler, pour diriger le gouvernement d'union, l'homme d'affaires tripolitain a demandé hier soir le report, d'une semaine, de la séance de présentation des membres de son Exécutif au Parlement reconnu de Tobrouk. À peine entamée, la séance de présentation a été rapidement ajournée, en raison du mécontentement de certains députés de Tobrouk qui ont demandé le CV des 13 ministres et cinq ministres-délégués proposés. Ils ont également exigé de Faïz Serradj de leur présenter son programme de travail jusqu'à la tenue d'une nouvelle élection présidentielle, qui doit marquer le fin du processus de transition en cours. Pour rappel, un nouveau gouvernement d'union avait été annoncé dimanche par le Conseil présidentiel après des semaines de confusion, mais les députés ont refusé de se prononcer sur sa composition. Ils ont demandé à entendre le Premier ministre désigné avant de lui accorder ou non leur confiance. Face à cette situation, Faïz Serradj a demandé à son tour un délai d'une semaine pour présenter son programme et son gouvernement. Ainsi, toutes les initiatives de la communauté internationale visant à doter ce pays d'un nouveau gouvernement, capable d'assurer le règlement de la crise, ont été vouées à l'échec. Au problème de la division des différentes parties libyennes est venu se greffer celui de l'expansion du groupe terrorisme autoproclamé Etat islamique (Daech), qui constitue une véritable menace à la stabilité du pays et à l'ensemble de la région de l'Afrique du Nord. L'organisation terroriste de Daech, qui n'a cessé de renforcer sa présence ces derniers mois en Libye, où il compterait environ 3 000 éléments, menace aussi l'Europe. Au fil du temps, la situation ne cesse de se dégrader sur tous les plans en Libye. Pis, le pays est fragmenté avec deux Parlements rivaux : le premier à Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, et le deuxième à Tripoli, soutenu par des milices. Il ne fait aucun doute que les défis, qui attendent le futur gouvernement libyen, sont nombreux, notamment sur le plan sécuritaire. L'autre énorme défi pour le futur gouvernement de Faïz Sarraj sera de relancer l'économie du pays, car si la Libye dispose des réserves pétrolières les plus importantes d'Afrique, estimées à 48 milliards de barils, sa production, environ 1,6 million b/j en 2011, a chuté d'un tiers depuis. Pendant ce temps, les pays du voisinage, dont l'Algérie, n'épargnent aucun effort pour soutenir les Libyens dans la recherche d'une solution politique au conflit qui déchire leur pays. Au cours de leur septième réunion ministérielle ordinaire tenue début décembre à Alger, avec la participation de l'Union africaine, de la Ligue arabe et de l'Union européenne, ils ont souligné que l'"avènement d'un gouvernement d'entente nationale doit bénéficier de l'aide et du soutien de la communauté internationale pour faire face aux multiples défis politiques, sécuritaires et économiques qui se posent à la Libye". Pour parer à tout éventuel débordement du conflit, en cas d'intervention militaire étrangère, que beaucoup d'experts et médias occidentaux disent imminente, l'Algérie a décidé de renforcer son dispositif de surveillance à sa frontière avec la Libye. Une réunion des pays voisins de la Libye aura lieu aussi, dans quelques jours, a annoncé le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et des Etats de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel, en marge de la visite du ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, le 15 de ce mois à Alger. La Tunisie et l'Egypte ont, elles aussi, renforcé leurs dispositifs de surveillance à leurs frontières avec la Libye, craignant une infiltration des éléments de Daech dans leur territoire en cas d'intervention militaire étrangère. Merzak Tigrine