"Nous avons organisé la trame de ce livre autour des deux grands empires (almoravide et almohade, ndlr) qui ont signé l'ascension et l'apogée d'un Maghreb, sûr de lui-même, unifié et conquérant, qui de surcroît sut et put porter aide et secours à un El-Andalus émietté, en pleine décomposition morale et politique, en butte aux attaques des royaumes chrétiens devenus offensifs". C'est ainsi que Fatma-Zohra Oufriha résume d'emblée son ouvrage de 278 pages intitulé Au temps des grands empires maghrébins-La décolonisation de l'histoire de l'Algérie, paru en 2015 aux Editions Chihab. C'est un livre qui plonge le lecteur dans l'âge d'or de l'Occident musulman du XIe au XIIIe siècle qui englobait le Maghreb et l'Andalousie. On y découvrira l'ascension des Almoravides (1056-1147), l'apogée du Maghreb sous les Almohades (1130-1269) et encore des noms prestigieux comme Moussa Ibn Noussayr et Tariq Ibn Ziad qui avaient enlevé la péninsule Ibérique aux Visigoths en deux ans, ainsi qu'Al Mansour qui fit d'El-Andalus une puissance militaire. Selon l'auteure "Almoravides et Almohades ont élevé du XIe au XIIIe siècles deux empires maghrébo-andaloussiens qui se sont heurtés tous deux à affronter la Reconquista chrétienne dont le succès final met fin à cette ère d'unité et d'affirmation plénière de l'Occident musulman...". L'auteure consacre la seconde partie de son œuvre à "Sidi Boumediene le Sévillan, père du mysticisme maghrébin" et à "Ibn Rochd, le Cordouan, croyant musulman rationaliste". Le premier, Sidi Boumediene, qui a enseigné à Béjaïa et est enterré à Tlemcen qui en a fait son saint patron, est, selon l'auteure, "le principal représentant de la forme populaire du mouvement soufi en Afrique du Nord". Le second, Ibn Rochd, né en 1126 à Cordoue a laissé une immense œuvre juridico-religieuse, philosophique, de médecine, d'économie...Cet ouvrage nous apprend que Sidi Boumediene, en plus de sa qualité de représentant du soufisme maghrébin, était également auteur de plusieurs œuvres, comme les Wassiyats (Recommandations), les Aquidats (articles de foi), des poèmes, des qacidas, des mouwachchahs qui constituent un genre littéraire andalou. Quant à Averroès, la portée de son œuvre est considérable, explique l'auteure : "C'est par son intermédiaire que le mouvement de transfert des études, de la lente et longue appropriation de la philosophie gréco-arabe par l'Europe s'est accomplie...". Fatma-Zohra Oufriha nous plonge dans les péripéties des différents empires et royaumes qui ont marqué l'histoire du Maghreb et de l'Espagne. Nous y découvrirons l'héroïsme des conquérants berbères et arabes dont la grandeur de l'Islam avait uni les cœurs et les épées. Mais une triste image surgit aussi de la nuit des temps : les rivalités, les luttes intestines, les guerres entre frères-ennemis...tout ce qui contribuait à désunir pour enfin affaiblir. Et on comprend la suite des évènements dont le plus spectaculaire est la perte de l'Andalousie. L'approche de l'auteure comporte une constante qui mérite d'être soulignée : elle revisite l'Histoire avec un regard "décolonisé", toujours à l'affût des stéréotypes des historiens occidentalo-centristes. Elle remet également les pendules à l'heure en situant la période historique étudiée dans un contexte "où l'espace géographique de ce qui deviendra, à la période moderne l'Algérie, joue un rôle clef". ALI BEDRICI
Au temps des grands empires maghrébins, la décolonisation de l'histoire de l'Algérie de Fatma-Zohra Oufriha, Chihab Editions, 2015, 278 pages.