Divisée sur le règlement de la crise des réfugiés, l'Union européenne tentera de sortir aujourd'hui avec le moins de dégâts possible de cette impasse. Bruxelles doit convaincre Ankara d'accueillir les dizaines de milliers de réfugiés qui déferlent sur l'Europe, moyennant un financement conséquent. Au moment où la division sur cette crise est étalée publiquement par les différents membres de l'Union européenne, l'Autriche a jeté un pavé dans la mare hier en affirmant, par la voix de son ministre de la Défense Hans Peter Doskozil, qu'elle ne prendra aucune part au système des quotas visant à répartir les réfugiés. L'Autriche estime avoir déjà suffisamment contribué dans la gestion de cette crise qui a montré les limites de la solidarité au sein de l'UE. "Nous faisons la part du lion, mais cette année, nous prenons 37 500 demandes asile", a-t-il déclaré. "Pourquoi l'Autriche devrait-elle prendre les réfugiés de la Grèce ?", s'est-il interrogé. Les déclarations de Hans Peter Doskozil, dans le journal local Österreich, risquent de compliquer un peu plus le sommet entre l'Union européenne et la Turquie qui doit se tenir aujourd'hui à Bruxelles. C'est dire que la quête d'unité risque de s'avérer vaine. Il n'en demeure pas moins que l'Union européenne est déterminée à faire pression sur la Turquie, car estimant qu'Ankara détient la clé pour l'aider à maîtriser la crise des réfugiés, qui menace son existence même. Ce sommet européen, en présence du Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, intervient à une période où le nombre de demandeurs d'asile a atteint 1,25 million. Il est le deuxième du genre en moins de quatre mois. Bruxelles peut profiter de la question des violations par Ankara des libertés politiques, de la campagne de répression dirigée contre les médias de l'opposition et proches des Kurdes pour arracher l'accord du gouvernement islamo-conservateur turc du président Recep Tayyip Erdogan pour mettre fin au déferlement des réfugiés sur le Vieux continent. L'UE n'a d'ailleurs pas manqué de montrer ses inquiétudes devant la répression contre les médias hostiles au président Erdogan, comme l'a encore montré ce week-end la mise sous tutelle le quotidien d'opposition turc Zaman. Reste à savoir maintenant si Bruxelles parviendra à arracher l'engagement de la Turquie à collaborer concrètement dans cette crise de réfugiés, car le "plan d'action" conclu avec Ankara à la fin novembre pour stopper les réfugiés quittant par milliers les côtes turques à destination des îles grecques n'a guère donné les résultats escomptés, bien au contraire. La solution préconisée par le président du Conseil européen, Donald Tusk, après sa tournée dans les Balkans, en Grèce et en Turquie, est d'appliquer à la lettre les accords de libre circulation de Schengen, en ne laissant entrer en Grèce que les personnes qui déposent une demande d'asile. Ce qui doit permettre de lever d'ici à fin 2016 les contrôles frontaliers décidés unilatéralement à l'intérieur de l'UE pour arrêter l'avancée chaotique de migrants vers le nord de l'Europe, puis expulser en masse tous les "migrants économiques" vers la Turquie, qui les renverra vers leur pays d'origine. Pour atteindre cet objectif, il va falloir convaincre la Turquie de tenir ses promesses de novembre, en mettant en œuvre dès le 1er juin un accord de réadmission en Turquie des migrants irréguliers. Les Européens veulent aussi que les Turcs renforcent la lutte contre les passeurs qui opèrent depuis ses côtes. En signe de bonne volonté, Ankara vient d'accepter de reprendre plus de 800 réfugiés originaires du Maghreb depuis la Grèce. Mais la situation demeure néanmoins préoccupante. Merzak Tigrine