Résumé : Tassadite ne donne pas sa réponse tout de suite. Elle devait réfléchir et poser ses conditions. Pour cela, elle donnera rendez-vous à Aïssa pour le lendemain. Ce dernier, impatient de la retrouver, arrive avant elle à l'endroit indiqué. Tassadite ne refuse pas sa proposition. Cependant elle ne pouvait quitter la famille qui l'avait hébergée. Seulement, Kaci est un homme instruit, qui avait quitté le village depuis des années. Il travaille en France et gagne bien sa vie. De ce fait, il a pu prendre en main son destin et épouser Hemmama. Ne pouvant supporter les regards malveillants des gens de son village, la jeune femme a demandé à son mari de la ramener ici dans le village de ses ancêtres. Certes, elle n'a plus personne sur qui compter, mais ici au moins, elle a la paix. Kaci lui a promis de l'emmener en France, une fois qu'il aurait réglé certaines affaires. Lorsque j'ai frappé à leur porte, Hemmama, qui était enceinte de son premier enfant, fut heureuse de m'avoir auprès d'elle. Kaci m'a alors intimé l'ordre de rester auprès de sa femme jusqu'à son retour. Tu comprends donc mes hésitations à donner suite à ta proposition ? Je regarde Tassadite. Pourquoi devenais-je vulnérable auprès d'elle ? -Ecoute, lui dis-je, je comprends tes motivations à rester auprès de Hemmama. C'est très louable de ta part de savoir être reconnaissante envers tes bienfaiteurs. Voilà donc ce que je te proposerai si tu consens à devenir mon épouse : je resterai dans ce village, et nous pourrions nous marier dans les meilleurs délais. Je vais construire une petite maison pour nous deux, et tenter d'acheter un lopin de terre. Ainsi, je pourrais travailler et toi tu pourras t'occuper de Hemmama jusqu'à nouvel ordre. Je veux dire durant la journée, car, comme tu dois le savoir, il est inconcevable pour une femme mariée de passer la nuit ailleurs qu'auprès de son mari. Qu'en dis-tu ? Elle fait une petite moue et se gratte la tête avant de répondre : -Je n'y vois aucun inconvénient, à part le fait que ta famille risque de te déshériter. -Eh bien qu'elle le fasse. Je suis comme ce Kaci. Je dois même trancher dans mes affaires. J'ai déjà vécu deux amères expériences avec deux femmes choisies par ma propre mère. Le résultat n'est pas des plus flatteurs comme tu le sais. Tassadite acquiesce : -J'en connais un bout sur ton passé, Aïssa. J'espère que tu sais ce que tu fais. Je n'aimerais pas devenir encore une fois la risée du village. -Tu es une femme extraordinaire Tassadite. Une autre à ta place aurait vite fait de virer, et Dieu seul sait dans quelle direction ! Sans trop tarder, je prends les devants pour chercher une maison. Un vieux paysan me proposera une ancienne écurie moyennant mon fusil. Je fais alors de mon mieux pour aménager un foyer où Tassadite pourra se sentir à l'aise. Une fois ce toit de fortune acquis, je l'épouse sans tambour ni fanfare. Un imam récitera la Fatiha devant deux témoins, et le tour est joué. Tassadite devint alors mienne, et mon bonheur n'avait plus de limite. Hemmama nous aidera à nous installer en nous offrant une couverture, quelques écuelles et une cruche. Nous nous contentions de peu. Tassadite partait tous les matins pour accomplir sa besogne auprès de sa bienfaitrice et rentrait chaque soir avec un quartier de galette et quelques victuailles. Je ne pouvais rester les bras croisés, alors que mon épouse trimait pour moi. On commençait à me connaître au village. Mon sérieux et ma promptitude à rendre service ne passèrent pas inaperçus. J'étais aussi un habile chasseur, et le travail de la terre n'avait pas de secret pour moi. Quelqu'un me proposera de m'occuper de ses champs. Je ne refusais pas, mais posais mes conditions : procéder à un partage équitable de la prochaine récolte. Un peu offusqué par cette proposition inattendue, l'homme tente de négocier, mais je ne lui en laisse pas l'occasion. C'était à prendre ou à laisser. Il prend ! Le travail donnera ses fruits. La récolte était au-dessus des espérances, et d'aucuns diront que ma main portait l'empreinte de la baraka. (À suivre) Y. H.