La charte met sur un pied d'égalité l'ensemble des membres qui sont appelés à prêter serment pour "se conformer au référent de la plateforme issue de la rencontre de Mazafran" et "ne jamais négocier, en solo, au nom de l'Icso, avec le pouvoir concernant la revendication commune pour la transition démocratique". Une année et demie après le premier sommet de l'opposition, tenu le 10 juin 2014 à l'hôtel Mazafran, les partis et les personnalités politiques affiliés à l'Instance de concertation et du suivi de l'opposition (Icso), se sont retrouvés, hier, à la Mutuelle des travailleurs de la construction de Zéralda, à l'est d'Alger, pour leur seconde "conférence nationale". La rencontre, qui se voulait une occasion pour donner un souffle nouveau à l'opposition, dont la quête de provoquer le changement tant attendu, a drainé un nombre important d'acteurs, entre représentants de partis politiques et personnalité nationales, qui se sont succédé au pupitre pour apporter, chacun de son côté, sa lecture du contexte politique, économique et social du pays. Non sans faire part de quelques propositions. Cela dit, les 160 invitations remises par l'Icso n'ont pas été toutes honorées. Les absences ont concerné aussi bien des partis politiques, à l'instar du FFS, que les "personnalités nationales" officiellement invités. Parmi ces dernières, l'on notera la défection, entre autres, des anciens chefs de gouvernement Mouloud Hamrouche et Sid-Ahmed Ghozali, l'ancien colonel de l'ALN Lakhdar Bouragaâ, la moudjahida Djamila Bouhired, le général à la retraite Rachid Benyelles ou encore les anciens militants du FIS dissous Ali Belhadj, Kamel Guemazi et Ali Djedi. Quant aux présents, outre les membres de l'Icso, la conférence de l'opposition aura suscité l'intérêt, entre autres, des postulants à la candidature de la présidentielle de 2014, Ali Benouari, et le tonitruant Rachid Nekkaz. Les travaux ont été présidés par l'ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, chargé notamment d'arbitrer le temps alloué à chacun des intervenants dont l'ordre obéit à un tirage au sort effectué la veille. Excepté le doyen des défenseurs des droits de l'Homme, Me Ali Yahia Abdenour qui a été, par respect, désigné pour prononcer le premier discours qui, sans surprise, était hostile au pouvoir. Son plaidoyer pour les libertés des femmes n'a pas manqué de provoquer l'ire des partis d'obédience islamiste présents dans la salle. La réponse viendra, plus tard, d'Abdellah Djaballah. Bref. La cause des clivages Officiellement, l'objectif de ces "retrouvailles" était de faire le bilan des activités de l'Icso depuis cette "union sacrée" issue des recommandations de la conférence de Mazafran dite pour "l'action démocratique". Union sacrée, en ce sens que cette entité politique regroupe des partis et des personnalités d'obédiences parfois diamétralement opposées. Mais la rencontre d'hier cachait mal, en revanche, les divergences, dans la forme et dans le fond, que couve ce conglomérat regroupant essentiellement les membres de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique, (Cldt), initiatrice du projet d'union de l'opposition, et ceux du Pôle des forces pour le changement (PFC). La Cldt regroupe, outre l'ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour, les partis islamistes, le mouvement pour la société de la paix (MSP), le Front pour la justice et le développement (FJD) d'Abdallah Djaballah, Ennahdha et les démocrates, le Rassemblement pour la culture et la démocratie, (RCD) et Jil Djadid, alors que le PFC est une création, au lendemain de la présidentielle de 2014, du candidat malheureux à cette échéance, l'ancien chef de gouvernement Ali Benflis. Le pôle regroupe ainsi l'essentiel des partis et personnalités ayant soutenu sa candidature. Y figurent, entre autres, El-Adl oua el-Bayan de Naïma Salhi, l'UFDS de Noureddine Bahbouh, El-Islah de Djahid Younsi, le FAN de Djamel Benabdeslem, le MNE de Mohamed Hadef ou encore El-Fedjr el-Djadid de Tahar Benbaïbèche. À titre plutôt autonome, par ailleurs, l'Icso compte, entre autres, l'UDS, le parti non agréé de Karim Tabbou, et Abdelaziz Rahabi ou encore Sid Ahmed Ghozali en tant que personnalités nationales. Si l'ensemble des membres de l'Icso évite habilement d'en parler, car le contexte ne s'y prête guère, force est de constater que la guerre pour le leadership est déclenchée depuis plusieurs mois en son sein. Néanmoins, l'intervention du secrétaire national à l'économie et à l'environnement du RCD, Ouamar Saoudi, le président Mohcine Belabbas n'ayant pas fait le déplacement, laisse peu de doute sur les divergences au sein de l'Icso. "Au vu de notre fonctionnement tel que testé jusque-là, nous devons rechercher la mise en place de mécanismes qui n'ouvrent pas seulement la participation au plus grand nombre, mais aussi et surtout qui garantissent l'engagement, la constance et la loyauté de chacun autour du minimum commun qui nous réunit", dira le porte-parole du RCD. Et d'ajouter, plus clairement : "De mon point de vue, nous n'avons pas pu assumer ce minimum ; nous avons laissé la confusion se glisser dans l'image de notre instance et notre discours", allusion au manque de tranchant et de lisibilité de l'alternative proposée jusque-là par l'Icso. "Tant que nous n'aurons pas résolu ce malentendu, notre cohésion sera aléatoire, car ce même malentendu est porteur des germes des infiltrations et instrumentalisations des clans", insistera-t-il devant une assistance partiellement acquise à sa cause, même si, publiquement, certains préfèrent observer quelque réserve. Une manière de sauver les meubles. Car, en off, le même diagnostic est aussi fait d'autres membres de la Cltd. Appel au peuple À l'effet d'assainir les rangs de l'Icso dont la longévité semble ainsi menacée, une "charte d'obligations" a, à ce titre, été adoptée à l'issue des travaux de la conférence d'hier. Cette charte qui se veut consensuelle met une série de garde-fous que l'ensemble des membres de l'Icso se doit, désormais, de respecter. Il s'agit d'une plateforme de principes mettant sur un pied d'égalité l'ensemble des membres qui sont appelés à prêter serment pour, entre autres, "se conformer au référent de la plateforme issue de la rencontre de Mazafran", ou encore, pour ne citer que ces deux principes, "à ne jamais négocier, en solo, au nom de l'Icso, avec le pouvoir concernant la revendication commune pour la transition démocratique". Cette revendication immuable a été, d'ailleurs, au centre de la déclaration politique adoptée à la même occasion. La déclaration en question, si elle reprend quasiment les revendications bien connues de l'Icso, dont la mise en place d'une instance indépendante de surveillance des élections pour permettre la transition démocratique consensuelle, s'adresse, en outre, aussi bien à l'opinion nationale qu'internationale, qu'elle veut désormais prendre à témoin sur la crise politique, économique et sociale qui affecte le pays. La déclaration politique de l'Icso se veut aussi et surtout une alerte adressée au peuple sur "les dangers qui guettent aujourd'hui l'Algérie et les graves conséquences qui peuvent en résulter". L'opposition, même encore fragilement réunie dans l'Icso, tend désormais la main au peuple pour "la construction d'un avenir basé sur le sort commun qui garantit aux Algériennes et aux Algériens le bien-être global d'une Algérie forte, stable et équitable dans le cadre des principes et des objectifs de la déclaration du 1er-Novembre 1954 instituant l'Etat algérien moderne" Farid Abdeladim