Pour avoir une chance de limiter le réchauffement du climat à moins de 2°C, comme recommandé dans l'accord de Paris lors de la CoP21, il faudra que les émissions totales de GES depuis 1870 (début de l'ère industrielle) n'excédent pas 2 900 gigatonnes de CO2. Alors que la bataille pour la ratification de l'Accord sur le climat obtenu au forceps à l'occasion du sommet onusien de Paris en décembre 2015 n'est pas encore acquise, des voix s'élèvent pour alerter sur son insuffisance voire sur son influence plutôt marginale pour juguler les défis qui se posent à la planète. Pour rappel, le registre de signatures de l'accord de Paris s'ouvre le 22 avril prochain à New York au siège de l'ONU pour une durée d'une année. Cette étape de la ratification de l'accord doit satisfaire à un double critère : 55 pays représentant 55 % des émissions devront le parapher pour son entrée en vigueur en 2020. Ségolène Royal qui a pris la succession de Laurent Fabius pour la présidence de la CoP21a déclaré devant le Conseil de l'environnement de l'Union européenne (UE), réuni le 4 mars à Bruxelles : "Pour la France, j'ai engagé la procédure nationale de ratification (...) avec l'objectif d'achever nos procédures cet été. Ce serait un beau symbole que toutes les procédures de ratification soient engagées en mars, pour l'annoncer à New York". C'est dire que l'étape de validation de l'accord est loin d'être gagnée encore. Dans l'hypothèse positive, le climat aura-t-il été sauvé pour autant ? Une équation délicate Rien n'est moins sûr, selon Glenn Jones et Kevin Warner de l'université A&M du Texas qui pointent du doigt la faiblesse des engagements dans une étude parue au début de ce mois d'avril dans la revue Energy Policy (sinecesdirect.com). Ils s'interrogent sur la capacité du système d'organisation et de production en cours dans le monde à résoudre ce qui tend à devenir le défi majeur du XXIe siècle : une démographie croissante, des besoins en énergies énormes avec des rattrapages considérables dans les pays du Sud et une impérative réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les chiffres d'abord, à commencer par la démographie : nous étions 1,6 milliard en 1900, contre 7,2 aujourd'hui et 11 milliards en 2100 selon les instances de l'ONU ; d'une heure à une autre il y a 9 300 humains de plus. Pour les besoins en énergies, en prenant les mêmes repères, 6 400 milliards de kilowattheures(Kwh) annuellement en 1900, pour 150 000 aujourd'hui, l'accès limité pour un grand nombre à l'énergie dans le siècle dernier et la croissance démographique n'expliquent pas cette explosion. Il y a toujours 20% de la population du globe qui n'a pas encore accès au réseau électrique et, si les rattrapages se font sur la base des normes les plus élevées, il y a lieu de noter qu‘un citoyen membre de l'UE consomme 37 000 Kwh et qu'un Américain est à 83 000 Kwh en moyenne annuellement. Au présent, 3,7 millions de barils de pétrole brut, 932 000 millions de tonnes de charbon et 395 millions de mètres cubes de gaz naturel sont tirés des profondeurs de la Terre. Pour avoir une chance de limiter le réchauffement du climat à moins de 2°C, comme recommandé dans l'accord de Paris lors de la CoP21, il faudra que les émissions totales de GES depuis 1870 (début de l'ère industrielle) n'excédent pas 2 900 gigatonnes de CO2. Pour tenir cet objectif, l'équation se complique. Comme 1 900 gigatonnes de GES ont été déjà libérés dans l'atmosphère, au rythme actuel (stabilisation) cette limite des 2 900 sera déjà atteinte avant 2040 (2038 selon les projections). Chaque jour, nous rejetons 4,1 millions de tonnes de CO2. Que doit-on faire alors ? L'étude des chercheurs américains ne laisse pas une grande marge. Il y a d'abord deux variables qu'il est illusoire d'espérer modifier sensiblement d'ici à 2100 pour aller vers une économie décarbonée -objectif de l'Accord de Paris- : ce sont la démographie et la consommation d'énergie. Tirés par les pays émergents et le maintien du mode de vie des pays riches, les besoins énergétiques globaux doubleront à la fin du siècle pour tourner autour de 320 000 milliards de Kwh, plus que le double de la consommation actuelle. Dans ces conditions pour que la température de la Terre ne grimpe pas de plus de 2°C à la fin du siècle, il faudra, selon les conclusions de l'étude que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial soit au moins de 50% en 2028 (elle est de moins de 10% actuellement hydroélectrique compris). Pour eux, au vu des efforts à entreprendre et des urgences domestiques de chaque pays, à commencer par l'élection américaine, il sera beaucoup plus probable de "miser" sur une augmentation de la température de 3°C. "Nos sociétés, si elles ne s'adaptent pas volontairement à la nouvelle donne énergétique, devront de toute façon le faire sous la contrainte économique de la raréfaction des ressources fossiles. Parce qu'en 2100, on ne trouvera pas l'équivalent de 320 000 milliards de kWh sous terre. La réalité cruelle, c'est que si l'on n'agit pas, à la fin c'est la géologie qui gagne". Ces données jumelées aux nouvelles études de plus en plus alarmantes sur le sujet (les nouvelles modélisations sur la fonte de l'Antarctique, ci-contre) doivent constituer d'autres préoccupations à la prochaine réunion (CoP22) en novembre 2016 à Marrakech au Maroc, en plus de l'évaluation sur le terrain de l'Accord de Paris. R. S.