Les régimes arabo-musulmans pensaient s'être tirés d'affaires avec l'abandon, par Bush, fin 2004, de son projet de les soumettre à des réformes. Embourbé en Irak, le locataire de la Maison-Blanche devait, en effet, tempérer ses ambitions, en acceptant le principe de réformettes “à la carte”, comme l'exigeait l'ensemble des pouvoirs en terre d'islam, de l'Atlantique au Pakistan. Le répit aura été de courte durée. Le temps pour Bush de se faire réélire et de tenir des élections en Irak où, finalement, chiites et kurdes ont trouvé leur compte, la loi implacable des statistiques ayant relégué, à leur véritable poids démographique, les sunnites, condamnés à négocier leur place autrement que par les bulletins électoraux. Bush remet donc sur le tapis son projet de Grand Moyen-Orient (GMO) s'en prenant à l'Iran et à la Syrie, mais aussi à l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Tunisie, qu'il somme de s'ouvrir à de vraies réformes démocratiques. Son réquisitoire n'a rien de diplomatique : c'est pratiquement une injonction leur enjoignant de s'exécuter, faute de quoi, ils devraient s'attendre à de sérieuses difficultés. La menace s'adresse, en premier lieu, à l'Iran et à la Syrie, accusés de faciliter la tâche au terrorisme islamiste qui fait rage, notamment en Irak. La menace de guerre contre Téhéran est également motivée par son programme nucléaire et sa présumée ambition de se doter de la bombe atomique. Damas, aux yeux de la Maison-Blanche, serait devenue plus qu'un exil pour les anciens cadres du Baas irakien, suspectés de manipuler la guérilla islamiste en action en Irak. Quant à l'Arabie Saoudite, et en dépit d'intérêts géostratégiques, pétroliers et financiers, Bush a toujours considéré que c'est l'arriération socioculturelle distillée par le wahhabisme qui a servi de plate-forme idéologique pour l'islamisme radical et de vivier pour le recrutement de terroristes islamistes. L'Egypte, quant à elle, c'est tout juste si le président américain ne l'accuse pas de dérive tyrannique. Moubarak, qui avait ses entrées à la Maison- Blanche, est accusé de faire de son fils, Gamal, son héritier présomptif. Le président tunisien se voit reprocher de dissocier réformes économiques et réformes démocratiques. La Tunisie, siège d'un important organisme américain chargé de promouvoir la démocratie dans le Monde arabe, vient de recevoir un volet de bois vert de la part d'un représentant de Bush pour l'autoritarisme de Ben Ali, dont la réélection avait suscité de larges commentaires négatifs à Washington. Le Pnud, qui avait développé un rapport très sévère sur le développement dans les sociétés arabes, s'apprête à rendre public un troisième brûlot, qui ne ménage personne, consacré à la bonne gouvernance. Israël, les Etats-Unis, l'invasion de l'Irak et l'inertie des régimes arabes, tout cela a contribué au blocage des sociétés arabo-musulmanes et à leur régression. Inévitablement, la renaissance dans ce monde passe par la démocratie. D. B.