C'est le porte-parole du Premier ministre Tony Blair qui l'a avoué, hier, au moment où la guerre en Irak entame son douzième jour. Le porte-parole du Premier ministre britannique a reconnu, hier, que “les objectifs n'ont pas été atteints”. Voilà un aveu d'échec qui en dit long sur l'état d'esprit des forces alliées engagées dans une guerre qu'elles annonçaient pourtant “rapide et économique en vies humaines”. Douze jours d'affrontements avec les Irakiens qui se sont soldés par la mort de plusieurs soldats, ont suffi pour que les deux “B”, Blair et Bush, comprennent que le fait de mener une guerre aussi injuste, aussi illégale et illégitime contre un pays peut se retourner contre eux. “On n'entame pas une campagne militaire pour la suspendre au bout de douze jours simplement parce que tous les objectifs n'ont pas été atteints durant cette période”, cette phrase lâchée par le représentant du gouvernement britannique sonnait comme un regret de s'être embourbé dans un conflit qu'en théorie il devait gagner sans trop de dégâts. Visiblement, la seule chose qui dérangerait, aujourd'hui, Downing Street pour rappeler ses soldats “at home” serait les répercussions d'une défaite militaire, et les dividendes que pourrait en tirer le dirigeant irakien. Le porte-parole du Premier ministre, Tony Blair, soutient, en répondant à l'ancien ministre britannique des Affaires étrangères Robin Cook, qui avait déclaré, avant-hier, qu'il voulait que “les soldats rentrent à la maison avant qu'un grand nombre d'entre eux soit tué”, pense qu'un éventuel retrait “reviendrait à laisser Saddam Hussein infiniment plus fort et donnerait un feu vert à tous les dictateurs du monde (en leur montrant) que la communauté internationale n'a pas la volonté d'aller jusqu'au bout”. Il y a, en effet, quelque chose de rocambolesque dans ces aveux du responsable britannique. Les alliés qui, il n'y a pas longtemps, pensaient déjà à l'après-Saddam s'inquiètent, aujourd'hui, de Saddam de l'après-guerre. Drôle de retournement de situation pour deux puissances militaires voulant régner sur le monde la main sur la gâchette. Ayant déjà perdu la bataille au plan politique, après que la communauté internationale eut dit non à la guerre en usant même du veto, et après que la mobilisation contre l'agression contre l'Irak, eut atteint son pic, les Américains et les Anglais n'ont que le champ de bataille pour affirmer leur suprématie. Ils le savent très bien. Et pour cela, ils semblent prêts à sacrifier plus de vies humaines, que ce soit parmi les Irakiens ou dans les rangs de leurs troupes qui font face, depuis douze jours, à une résistance plus forte qu'elle ne l'était dans leurs prévisions. Le soulèvement “attendu” des chiites du Sud et le renversement planifié du régime de Saddam n'a pas eu lieu. C'est tout le plan de guerre de la Maison-Blanche et de son allié Blair qui se retrouve, en effet, chamboulé à tel point que leurs armées, les troupes au sol, ont été contraintes à une pause. La bataille des villes, la vraie, qui vient juste de commencer, risque de compliquer encore plus la situation. Il est clair, aujourd'hui, que les irakiens s'érigent en véritables remparts entre les coalisés et Saddam Hussein. Pour atteindre celui-ci, il faudrait d'abord leur marcher sur le corps. Et c'est ainsi que la guerre en Irak pourrait prendre des proportions que la communauté internationale n'a jamais imaginées. Le risque Irak est gros. La victoire militaire des forces américano-britanniques s'apparente déjà à une défaite. Tuer des civils est un génocide et un fait qui basculera le monde dans l'insécurité. Laisser Saddam au pouvoir, il deviendra encore plus fort. Cette guerre n'aurait pas dû avoir lieu. L'embargo imposé au peuple irakien depuis 1991 aussi. Car il a moins affaibli le régime en place qu'il n'a fortifié l'opposition. Saddam était, en fait, juste une carte entre les mains des agresseurs pour s'emparer des richesses du pays. La région semble être au centre d'un nouveau plan d'hégémonie sur le monde et rien d'autre. La libération de l'Irak est une grotesque supercherie de Bush qui, lui, contrairement à son ami Blair, refuse d'avouer son échec. S. R.