Résumé : Amar ne rentre à la ferme qu'à une heure tardive et s'installe dans la grande salle pour fumer une cigarette en sirotant un café. Il avait des insomnies depuis son retour au bled, et ne dormait que vers les premières heures du matin. Un gémissement lui parvint. Cela venait de la chambre où dormaient ses filles. Il s'introduit dans la pièce plongée dans l'obscurité. Dans la pénombre, il distinguera une petite ombre qui s'agitait. C'était Ghania. Elle avait probablement fait un cauchemar. Il s'approche d'elle, lui touche le front et sursaute : l'enfant était brûlante de fièvre. Il court vers la salle de bain et prend une serviette et une bassine remplie d'eau fraîche, puis revient auprès de sa fille qui transpirait abondamment. Il allume la veilleuse de chevet et prend sa fille dans ses bras, avant de déposer une compresse sur son front. Ghania ouvre péniblement les yeux. Amar se met à la bercer : -N'aie pas peur, tu as juste un peu de fièvre, cela passera vite. Les lèvres sèches de la fillette tentent de s'écarter dans un sourire, mais elle ne peut que grimacer. Quelque chose ne va pas, se dit Amar. Faisait-elle une indigestion ? Il continue à lui appliquer des compresses fraîches sur le front. La fièvre s'atténua quelque peu. La petite pousse un soupir et semble endormie. Amar la redépose dans son lit et la borde, avant de ressortir sur la pointe des pieds. Il ne voulait réveiller ni Houria ni Meriem. Mais si la fièvre persiste au matin, il appellera un médecin. Depuis quelque temps, une pharmacie et une polyclinique avaient ouvert à la lisière du village. Des permanences sont assurées de jour comme de nuit. De jeunes médecins venus de la ville se déplaçaient jusqu'au village en cas d'urgence. Il était encore trop tôt pour faire appel à l'un d'eux. Amar jette un coup d'œil à sa montre. L'aube n'allait pas tarder. Il retourne dans la chambre des filles et tâte le front de Ghania. La fièvre était tombée. Il essuie la sueur qui perlait sur ses joues et son cou, et la recouvre. La petite avait dû prendre un coup de froid. Bien qu'on soit en pleine saison chaude, il n'était pas conseillé de s'exposer à la fraîcheur de la nuit. Ghania a dû transpirer en jouant, puis elle était allée s'asperger d'eau fraîche comme elle le faisait parfois, lorsqu'elle échappait à la vigilance de sa mère. Amar se rallonge sur sa natte. Il prend une autre cigarette et l'allume en remettant la cafetière sur le feu. La maison endormie ne se réveillera que plusieurs heures plus tard. Houria se lève au premier cri de son fils. Elle le prend dans ses bras et rejoint son mari dans la grande salle. Amar la toise. Elle avait pris beaucoup de poids ces derniers mois, et faisait plus que son âge. Elle remarque son regard et demande d'une petite voix : -Tu as passé la nuit ici dans la grande salle ? -Oui. Tu y vois un inconvénient ? -Pas du tout. Mais il fait frais la nuit, tu aurais dû rejoindre ton lit. -Je n'en avais pas envie. D'ailleurs heureusement que j'étais là. Ghania a fait une forte fièvre dans la nuit, et j'ai dû rester auprès d'elle pour déposer des compresses fraîches sur son front. Houria porte la main à son cou : -Ghania est malade ? Pourquoi ne m'as-tu pas réveillée. Il hausse les épaules : -Qu'aurais-tu pu faire d'autre ? Mais il est impératif que tu saches que cet enfant peut tomber malade à n'importe quel moment de la journée ou de la nuit. Je constate que ton sommeil est trop profond. Depuis que tu as Aïssa, tu ne penses plus à ta fille. -Comment ça je ne pense plus à ma fille ? En temps normal, Ghania dort dans ma chambre. C'est depuis que vous êtes là toi et Meriem, qu'elle voulait partager la chambre de sa demi-sœur. Je pensais que tu en serais heureux -Je le suis, bien sûr. J'aime voir mes enfants ensemble. Mais lorsque je ne suis pas là, tu devrais redoubler de vigilance. Ghania me semble une fille fragile et trop frêle pour son âge. Tu ne trouves pas ? (À suivre) Y. H.