Le pouvoir algérien est-il acculé au point de manifester son désarroi par la provocation et de commettre des maladresses ? Encore secoués par le scandale des Panama Papers sur les paradis fiscaux, qui a mis en cause un ministre proche du président de la République, les dirigeants du pays ont été rattrapés par la diffusion récente d'une photo du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, sur le compte Twitter du Premier ministre français, Manuel Valls. Une image prise à Alger, avec l'accord (et la confiance !) des services de la Présidence, qui a suscité choc et indignation dans le pays. Devant le déluge de réactions sur l'état de santé du premier magistrat du pays, l'absence de réaction officielle a laissé place aux sorties des relais du régime, celles du secrétaire général par intérim du RND, Ahmed Ouyahia, du patron de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi-Saïd, et du président du FCE, Ali Haddad, pour charger violemment le haut responsable français. Mais, le pouvoir n'est pas à sa première erreur après l'épisode réservé au MDS, un parti politique agréé qui s'est vu interdire dernièrement la tenue de son congrès. Dans un communiqué daté du 13 avril, le bureau national du MDS a confirmé le refus de la wilaya d'Alger, notant qu'elle n'a "apporté aucune réponse fondée", sinon l'évocation d'une soi-disant "correspondance du ministère de l'Intérieur à propos d'une enquête sécuritaire". L'autre décision imprudente a été l'interdiction d'une conférence de Hakim Saheb, avocat et cadre du RCD, portant sur le thème "Avril 1980", initiée par les étudiants de l'université de Tizi Ouzou. Alors que les campus ont l'habitude de célébrer le Printemps berbère, la direction de l'université Mouloud-Mammeri, se basant sur des instructions du Premier ministre et du ministre de l'Enseignement supérieur qui "ne veut plus d'activités partisanes au sein de l'université", n'a rien trouvé de mieux à faire que de notifier un refus. Cette façon de faire a provoqué la réaction du syndicat des enseignants de la même université, qui a décidé d'initier une conférence, animée par des acteurs politiques d'avril 1980, à l'exemple d'Ali Yahia Abdenour, Saïd Khelil, Arab Aknine, About Arezki, Saïd Doumane et Mouloud Lounaouci. Pour diverses raisons, le climat est tendu dans la région de Kabylie, dans cette période de commémoration du 36e anniversaire du Printemps berbère. Outre l'organisation, cette année, de festivités "officielles" qui sont curieusement mal vues par certaines parties, des marches sont en effet programmées, pour aujourd'hui, par des militants associatifs et du MCB, ainsi que par le RCD, lequel réclame "l'officialisation effective de la langue amazighe" et par le MAK qui, lui, dénonce "les arrestations ciblées et répétées" des cadres et militants du mouvement. Alors que les organisateurs de ces actions continuent d'appeler à une grande mobilisation des citoyens, le pouvoir avance des "mises en garde". C'est ainsi que le 16 avril dernier, le Premier ministre, en visite à Constantine, a déclaré que l'unité nationale est une "ligne rouge à ne pas dépasser", sans apporter les clarifications nécessaires et sans citer le MAK ou toute autre partie. M. Sellal a cependant axé sur le fait qu'avec la constitutionnalisation de tamazight, en tant que langue nationale et officielle, "il a été mis fin à la politisation de cette langue pour devenir l'une des constantes de l'identité nationale". Bon nombre de citoyens ont interprété ces propos comme des "provocations" et appréhendent la journée du 20 Avril, parce que craignant que "le pouvoir recoure à la répression". Cette idée s'est renforcée, ces tout derniers jours, surtout après l'intervention musclée des forces de l'ordre, à Boudouaou, pour expulser les enseignants contractuels et vacataires, en sit-in pacifique depuis plusieurs jours, et les affrontements qui ont éclaté entre les deux parties. Hafida Ameyar