Une mobilisation citoyenne particulière a été observée, ce samedi, en Kabylie, particulièrement à Azazga, autour de la zaouïa Sidi Bahloul Ben Assem, où la population attendait de pied ferme une supposée visite de l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil. La rumeur circulait depuis déjà quelques jours, et une présence policière inhabituelle au centre-ville d'Azazga, dès la matinée de ce samedi, a mis en alerte la population locale. Au village maraboutique Cheurfa, des citoyens se sont déployés tout autour de la zaouïa Sidi Bahloul Ben Assem, guettant l'arrivée du moindre cortège. Un climat tendu pesait sur le village et la colère se lisait sur tous les visages. "J'espère vraiment pour lui qu'il ne va pas venir...", lance sur un ton menaçant Sofiane Tahraoui, un jeune citoyen de Cheurfa. À l'intérieur de la zaouïa, Mohand Saïd Berkat, porte-parole, s'explique devant les citoyens et la presse. "Chakib Khelil n'est pas le bienvenu dans cette zaouïa. S'il veut venir ici, il doit d'abord passer par un tribunal. Nous ne faisons pas de la politique dans cette zaouïa, c'est un lieu sacré où les disciples de la Tarika Rahmania apprennent le coran. Chakib Khellil a un problème avec la justice et sa place est dans un palais de justice, mais pas chez nous", lâche-t-il sur un ton ferme. Les citoyens de Cheurfa ont plusieurs raisons d'appréhender une visite imminente de l'ancien ministre de l'Energie, en tournée nationale des zaouïas depuis son retour au pays. Selon Mohand Saïd Berkat, il y a deux semaines, une délégation d'une zaouïa de la région de l'Oranie s'est rapprochée de la zaouïa Sidi Bahloul Ben Assem, pour un rapprochement entre les deux tariqas "Hibria" et "Rahmania". "Ils nous ont proposé d'organiser un évènement et de tout prendre en charge financièrement. Mais ils ont vite compris que la zaouïa avait les moyens de se prendre en charge à travers les dons et les cotisations de ses fidèles. Nous leur avons demandé si ce rapprochement n'a pas un rapport avec la tournée de Chakib Khelil, et ils ont nié tout lien avec lui...", raconte le porte-parole de la zaouïa. Mais à Cheurfa, les citoyens sont loin d'être dupes. Ils sont convaincus que cette visite de courtoisie a bel et bien un rapport avec le revenant Chakib Khelil. La preuve, expliquent-ils, est que la délégation s'est déplacée avec des voitures de types Mercedes et 4+4, immatriculés à Alger (16), et non pas à Oran (31). L'autre indice qui a fait douter davantage les citoyens était la présence parmi la délégation d'un groupe de jeunes hommes habillés de la même façon, en survêtements blancs et bleus, et qu'ils soupçonnent issus des services de sécurité. "Dès l'arrivée de la délégation, ils sont descendus des voitures et ont pris position autour de la zaouïa. Nous avons tout de suite compris qui ils étaient", témoignent plusieurs personnes de Cheurfa. Mais le climat n'était pas tendu que dans la région d'Azazga. Des échos venant des régions d'Iloula, de Timizart mais aussi de Seddouk faisaient état d'une mobilisation citoyenne similaire autour de leurs zaouïas respectives. Pendant ce temps, les réseaux sociaux s'enflammaient et le mot d'ordre dans plusieurs localités de Kabylie était clair : "Chakib Khelil n'est pas le bienvenu." Visiblement, les initiateurs de la tournée nationale de l'ancien ministre de l'Energie dans les zaouïas voulaient tâter le terrain en Kabylie, s'accordent à dire plusieurs observateurs. Mais voilà que la même mobilisation a fini par prendre ailleurs, voire dans plusieurs wilayas du pays. C'est ainsi qu'une zaouïa à El-Oued s'est prononcée dans un communiqué rendu public sur le web contre une probable visite de Chakib Khelil. Il faut dire que ses deux récentes visites perturbées dans des zaouïas à Chlef et à Annaba ont beaucoup donné à réfléchir aux citoyens des autres régions d'Algérie. Des blogs et des sites de plusieurs wilayas, comme Constantine, se sont déjà exprimés sur une éventuelle visite de l'homme en tournée nationale. "Constantine vous refuse...", lit-on sur la page facebook de "Constantine la ville de mon enfance". Une chose est sûre, une mobilisation hostile aux visites de Chakib Khelil dans les zaouïas commence à prendre forme à travers le territoire national. M. M.