De nombreuses organisations, représentant les victimes du terrorisme et les disparus, ont exprimé une vive méfiance vis-à-vis de ce projet. Le projet présidentiel d'amnistie générale fera l'objet de consultations et de concertations avant d'être soumis à un référendum populaire. C'est ce qu'affirme une source digne de foi, qui précise que les associations des familles des victimes et les organisations de la société civile seront conviées à la présidence de la République pour exprimer leurs positions sur la question. C'est ainsi que Ali Merabet, le président de l'association des familles de victimes enlevées par les terroristes islamistes, communément appelée Somoud, a été contacté, dimanche dernier, par les services de la présidence de la République pour une entrevue. Bien que ni la date ni l'objet de l'entrevue n'aient été fixés par l'interlocuteur de Ali Merabet, il n'en demeure pas moins que la sollicitation devrait porter sur le dossier des familles des personnes enlevées par les terroristes et, par ricochet, sur le projet d'amnistie générale. D'autant plus que le président de Somoud, depuis l'accession de Bouteflika au palais d'El-Mouradia en 1999, a adressé de multiples correspondances à la présidence de la République autour de la problématique des personnes enlevées par les terroristes islamistes, mais sans pour autant recevoir de réponse. Dans un entretien paru dans Liberté le 18 novembre dernier, Ali Merabet soulignait que “le président de la République n'a jamais écouté les victimes du terrorisme. Et sans écouter les victimes, il n'y aura pas de justice dans ce pays. Tous les Algériens veulent la justice, mais les moyens choisis pour parvenir à la paix ne sont pas toujours les bons car on ne consulte pas les premiers concernés”. En conviant donc, et pour la première fois, un opposant à la concorde civile et à la grâce amnistiante, en l'occurrence le président de Somoud, Bouteflika veut-il ratisser large en faveur de son projet d'amnistie générale ? “Le président de la République veut informer les associations du contenu de son projet et souhaite, en même temps, connaître les positions des uns et des autres sur le sujet”, précise notre source. Quoi qu'il en soit, les positions de l'association des familles des personnes enlevées par les terroristes islamistes quant au projet d'amnistie générale ont été rendues publiques au lendemain de l'annonce de l'initiative présidentielle. M. Merabet, qui refuse le pardon aux “gens qui tuent encore et qui n'ont rien demandé, même pas l'amnistie”, propose une “justice de transition”. Autrement dit, “l'instauration d'une justice spécifique s'appliquant uniquement pour une période comme cela a été le cas en Asie, en Afrique du Sud et en Amérique latine”. “Les terroristes, qui ont commis des crimes, devront passer devant des instances juridiques ou des commissions spéciales créées par cette justice de transition pour reconnaître leurs crimes”. Les autres associations de victimes du terrorisme, à l'image de Djazaïrouna, de l'Onvitad et des associations des familles de disparus revendiquent, également, quant à elles,“vérité et justice”, comme préalable à toute initiative d'amnistie. “La paix ne saurait se construire sur l'oubli et le déni de justice”, ont martelé ces associations à diverses occasions. Quelle attitude adoptera le président Bouteflika par rapport à l'ensemble de ces associations qui conditionnent son initiative d'amnistie générale par un impératif de justice ? La question reste entièrement posée. Quoi qu'il en soit, les partis politiques seront également reçus individuellement au palais d'El-Mouradia pour exprimer leurs positions sur l'initiative présidentielle. Par ailleurs, l'amnistie générale fera l'objet d'un avant-projet de loi qui sera soumis d'abord aux deux Chambres du Parlement avant de faire l'objet d'un référendum populaire, a expliqué Boualem Bessaïeh, le porte-parole du congrès du FLN, le 31 janvier à la Coupole du 5-Juillet. N. M.