Symptomatique à plus d'un titre, le retrait du MSP de la Cnag signifie une redistribution imminente des cartes politiques. Coup de théâtre dans la future campagne référendaire en faveur de la réconciliation nationale et de l'amnistie générale. De sources généralement bien informées, on nous indique en effet, que le représentant du MSP au sein de la Cnag (Commission nationale pour l'amnistie générale), El-Hadj Taïeb Aziz, vient de se retirer. L'annonce, loin d'être innocente, se veut pour justification, comme le soulignent des sources proches du parti de Bouguerra Soltani, le fait qu'Abderrezak Smaïl, principal animateur de la Cnag, mais aussi secrétaire général du PRA (Parti du renouveau algérien), se soit permis d'animer une conférence de presse en date du 18 janvier passé sans en informer ses principaux collaborateurs. Or, l'argument ne résiste guère à une analyse sérieuse et objective de la situation. En effet, si telle était la véritable raison de ce retrait, opéré par un parti connu pour ses accointances avec les véritables décideurs du moment, il eut été plus «normal» que cela se fasse dès le lendemain de cette conférence de presse et non pas deux semaines plus tard. Ainsi, des sources proches des milieux décisionnels nous indiquent-elles que «ce coup de théâtre est intervenu tout naturellement à la suite de la réussite du congrès réunificateur du FLN et de l'acceptation de Bouteflika de devenir président d'honneur de ce parti tout en gardant son autonomie programmatique ainsi que son indépendance vis-à-vis des trois formations politiques composant l'Alliance présidentielle». Dans la foulée, des sources proches d'Ahmed Ouyahia nous informent que celui-ci, lors de la réunion du conseil national de son parti, a annoncé la prochaine tenue d'un sommet de cette alliance. Cette rencontre devrait regrouper, vers la fin du mois courant, Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem et Bouguerra Soltani, afin de définir une stratégie commune concernant la future campagne référendaire en faveur de l'amnistie nationale et de la réconciliation nationale. Le même son de cloche prédomine du côté des rangs réunifiés du FLN. La toute nouvelle direction nationale, la commission exécutive en l'occurrence, prévoit en effet, de se réunir ce week-end au siège national du parti avec, croit-on savoir, trois points inscrits à l'ordre du jour. Il s'agit d'élire les membres du secrétariat exécutif, lequel viendra remplacer le défunt bureau politique. Un programme sera également établi pour la tenue des assemblées générales électives des 56 mouhafadhas que compte le parti à travers le pays afin que la réunification se fasse également au niveau de la base. Et, enfin, il y sera question des préparatifs en vue de la tenue de ce fameux sommet, mais aussi de la sensibilisation de la base afin qu'elle fasse campagne en faveur du plan du président. Les mêmes instructions, du reste, ont été données par Ahmed Ouyahia aux membres de la commission nationale et des coordinateurs de wilaya de son parti. La Cnag hors-jeu? A la faveur de ces informations, il apparaît clairement que l'Alliance présidentielle s'apprête à prendre le relais et à devenir le principal fer de lance de la future campagne référendaire. Cela, même si les leaders de cette alliance, notamment Ouyahia, attendent d'en savoir un peu plus avant d'entrer en scène. Il serait, en effet, malvenu de défendre un projet dont les grands traits demeurent inconnus pour tous, y compris peut-être pour le président lui-même. C'est, du reste, ce qui semble quelque peu jouer de mauvais tours à la Cnag, partie en campagne beaucoup trop tôt sans même savoir de quoi il retourne. Il n'empêche que l'autorité morale dont jouit l'ancien président Ahmed Ben Bella pèsera toujours très lourd dans la balance lorsque cette commission aura, elle aussi, à intensifier ses sorties sur le terrain. Rencontré en marge du congrès du FLN, le docteur Malek Serraï, figure de proue de ce mouvement, nous avait assuré qu'il s'apprêtait «à mettre les points sur les «i» définitivement dès le milieu de cette semaine». Il avait ajouté que «cette commission a déjà accompli un travail très important en faveur de la démarche présidentielle puisque des proches des terroristes encore dans les maquis ont assisté à nos meetings avant de s'en retourner expliquer la démarche du président et qu'ils acceptent tous de déposer les armes». A ce propos, les dernières informations en notre possession faisaient état de la volonté de pas moins de 90% des terroristes encore présents dans les maquis de déposer les armes et de se rendre dès que l'amnistie générale et la réconciliation nationale seront décrétées par le président Bouteflika. Ben Bella a, pour sa part, à faire valoir un passé récent consacré à la défense de ses idées depuis la signature du fameux contrat national, ce qui ne peut que crédibiliser chacune des déclarations qu'il pourrait faire à l'avenir concernant ce sujet. Les observateurs, ce disant, ne sont pas loin de penser que ce pourrait être le président Bouteflika lui-même qui aurait fait appel à Ben Bella, dont le rapprochement le plus évident s'était fait lors de la célébration du cinquantenaire de la guerre de Libération nationale. Ben Bella, rencontré par nous en marge de ces festivités, nous avait assuré que «le président Bouteflika est bel et bien l'homme de la situation». Il avait ajouté que «l'actuel président de la République est apte à mener à bien ses projets et à sortir définitivement l'Algérie de sa crise». Il n'empêche que les observateurs, nombreux il faut le dire, trouvent beaucoup de mal à comprendre un engagement aussi indéfectible, alors que le contenu exact de ce texte n'est toujours pas connu. Il demeurerait, dans ses détails, inconnu même pour le président Bouteflika. Le projet de loi serait finalisé en avril La raison de ce dernier constat en est toute simple. Des sources crédibles et généralement bien informées nous indiquent en effet que «la réconciliation nationale et l'amnistie générale seront promulguées sous la forme d'une loi». Aussi, une commission de très haut niveau aurait été chargée par le président de la République lui-même de plancher sur le sujet. Elle se composerait, selon les mêmes sources, du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz et du président du Conseil constitutionnel, Mohamed Béjaoui, en plus de nombreux experts. Farouk Ksentini, représentant du président de la République pour ce qui concerne la promotion des droits de l'homme, y joue juste un rôle de consultant. Ce n'est qu'une fois que le projet de loi sera finalisé, au mois d'avril prochain, nous indique-t-on, que le président donnera son avis avant que le texte ne soit soumis aux conseils des ministres et de gouvernement avant d'atterrir sur les bureaux du Parlement. Une fois proclamée, comme cela avait été le cas pour la concorde civile en 1999, la campagne référendaire pourra enfin démarrer. Ainsi, les estimations s'accordent-elles à dire que la date de cette consultation populaire interviendra dans le courant du second semestre de cette année. Cela n'empêche quand même pas de nouveaux acteurs d'entrer régulièrement en scène. C'est ainsi que «les chouyoukh et les fidèles des zaouïa Rahmania des wilayas d'Oum El Bouaghi et Tizi Ouzou ont appelé au soutien du projet de réconciliation nationale et d'amnistie générales prônées par le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika». Un communiqué des représentants de la zaouïa de Cheikh Sidi Ibrahim de la daïra de Fkirina (Oum El Bouaghi) et la zaouïa de Sidi Ali Moussa de Souk El Thenine (wilaya de Tizi Ouzou), indique que les chouyoukh et les fidèles de la Rahmania ont, en effet, appelé toutes les zaouïas algériennes et tous les fidèles sincères à «exprimer solennellement» leur soutien et leur appui aux projets de la réconciliation nationale et d'amnistie générale. Le communiqué rappelle les résultats concrets et le succès de la concorde civile qui traduisent l'aspiration du peuple algérien à vivre dans la sérénité, la paix et la sécurité. Bouteflika, on s'en souvient, avait mis le paquet sur les zaouias lors de sa seconde campagne présidentielle, compte-tenu du poids de ces organisations au sein des populations de l'Algérie profonde. Il pourrait donc en être de même lors de ce référendum pour lequel Ouyahia prévoit un vote positif massif même si aucun parti ne fait campagne en sa faveur.