Le chef de l'Etat a confirmé, hier, qu'il consultera le peuple par référendum, mais il s'est interrogé sur le sort de ceux qui ont décrété les fetwas qui ont permis aux terroristes de commettre leurs crimes. C'est l'une des nombreuses questions qui ont émaillé le discours prononcé, hier, par le président Abdelaziz Bouteflika à l'ouverture de la 6e Semaine du Coran organisée par le ministère des Affaires religieuses à Dar El-Imam, à Mohammedia à Alger. “Qui pardonnera à qui ?” “Les extrémistes criminels vont-ils pardonner à la société civile et aux laïques ou ce sont ces derniers qui vont pardonner aux terroristes”, s'est interrogé le chef de l'Etat devant une assistance composée de membres du gouvernement remanié, de cheikhs de zaouïas, des élèves des écoles coraniques et de représentants du corps diplomatique accrédités à Alger. “Qui va pardonner aux terroristes ?” s'est demandé encore le Président avant d'ajouter : “Nous n'avons plus de force pour supporter plus que nous avons supporté de ceux-là”. Haussant le ton, le président Bouteflika a souligné que l'Algérie a connu des hommes qui “ont tué des enfants et des vieillards au nom de l'Islam”. Cette série d'interrogations faisait suite à l'annonce de son intention de soumettre son projet de réconciliation nationale à la volonté populaire. En effet, Abdelaziz Bouteflika a affirmé qu'il consultera par voie référendaire le peuple algérien sur son projet, dont les contours restés jusque-là flous, commencent à se dessiner puisque visiblement elle se confond avec le projet d'amnistie générale pour lequel il a déjà annoncé un référendum. “Nous consulterons le peuple algérien par voie référendaire sur la réconciliation nationale”, a-t-il dit. Seul le peuple peut trancher la question car “il est souverain et fera son choix en toute liberté”, a ajouté le chef de l'Etat. “Nous sommes au service du peuple ; il décide ce qu'il veut et nous nous soumettrons à sa volonté”, a-t-il encore dit. “S'il veut la réconciliation, grand bien nous fasse et s'il veut autre chose, il l'aura”, a encore ajouté le chef de l'Etat, sans définir ce qu'il entend par l'expression “autre chose”. “Le destin des Algériens, a-t-il poursuivi, est de se réconcilier à chaque fois qu'ils se disputent, et cette faculté doit être utilisée dans la reconstruction du pays ainsi que dans le retour de la paix et de la stabilité”. Le Président a également expliqué que “le concept de réconciliation doit être appréhendé dans le cadre d'une approche prospective et non rétrospective”. “La responsabilité incombe à tout un chacun car, intentionnellement ou pas, nous avons tous failli envers l'Algérie ! Nous avons tous, d'une manière ou d'une autre, porté préjudice à l'Algérie, en ce sens que même celui qui a tant fait pour elle, mais pouvait faire davantage lui a nui aussi !” a ajouté M. Bouteflika. “Il faut que je discute avec l'autre partie” Tout en se félicitant du fait que l'Algérie soit revenue de loin et qu'elle ait parcouru de longs chemins, le Président s'est interrogé sur le sort qui sera réservé à ceux qui ont décrété des fetwas ayant permis aux terroristes de perpétrer leurs crimes, dans une allusion sans doute aux chefs spirituels du parti dissous. “Le peuple algérien peut pardonner aux terroristes. Et qu'en est-il de ceux qui ont décrété les fetwas qui ont permis à ces terroristes de commettre leurs crimes”, s'est interrogé le Président avant d'ajouter : “Le peuple algérien peut également leur pardonner, et rendre licite ce que Dieu a proscrit, mais quelle sera notre position sur un éventuel retour de ces gens-là sur la scène politique nationale ?” “Il faut réfléchir (...), mais dans le même temps, il faut que je discute avec l'autre partie, si elle a une solution meilleure que la concorde civile, la réconciliation nationale, on est preneur”, a encore souligné le chef de l'Etat. Le président de la République laisse entendre là que son projet d'amnistie pourrait se trouver dans l'impasse. En effet, l'amnistie générale devrait signifier par essence l'effacement de toutes les atteintes aux lois et également des sanctions qui en ont résulté. Ce qui équivaudrait, de fait, à reconnaître aux dirigeants islamistes le droit à l'action politique. Sur ce point, Bouteflika semble ne pas avoir tranché. Du moins, pas avant de “consulter l'autre partie”. Dans une autre allusion, le Président s'en est pris sans les nommer aux associations représentant les familles des victimes du terrorisme et celles qui se sont exprimées au nom des familles des disparus. Il leur a reproché leur hostilité à l'égard de son projet et leur “refus de pardonner”, leur déniant le droit de s'exprimer au nom de tout le peuple algérien. “Il y a ceux qui ont tué avec le couteau, d'autres l'ont fait avec la plume. Nous sommes confiants en la décision du peuple”, a-t-il souligné. R. B.